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Ce serait un beau titre de livre sur notre destin depuis quarante ans. (Dominique Noguez, 1983)
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dimanche 1 octobre 2017
«les maires et les mairesses sont satisfaites»
Un manuel scolaire rédigé en se basant sur des règles
orthographiques plus neutres et égalitaires provoque la polémique. Un type
d'écriture porté par les courants féministes qui questionne la primauté du
masculin sur le féminin.
Prêt·e·s à utiliser l'écriture inclusive ?
«Agriculteur·trice·s»
ou encore «artisan·e·s», cette drôle de façon d’écrire fait hurler certains
défenseurs de la langue française. Et ce, surtout depuis que les éditions
Hatier ont sauté le pas : en mars 2017, elles ont publié un manuel scolaire
rédigé avec une écriture dite «inclusive» qui vise à respecter l’égalité des
sexes. Dans Questionner le monde, destiné aux élèves de CE2, les métiers sont
écrits à la fois au masculin et au féminin en utilisant des points pour
entrecouper.
En
cette rentrée scolaire, ce choix fait jaser. Surtout depuis que le Figaro y a
consacré un article au titre plein de morgue : «Un manuel scolaire écrit à la
sauce féministe». Papier d’ailleurs repris par le site d’extrême droite Fdesouche,
tandis que Hatier affiche sa fierté de promouvoir un langage reflétant le
principe d’égalité entre les femmes et les hommes.
Suivre
Editions
Hatier @EditionsHatier
Très
fier.ère.s d'avoir publié le premier manuel scolaire en écriture inclusive ! Magellan
Questionner le Monde CE2.
https://twitter.com/MariestellPech/status/911297191410638848 …
13:30
- 23 sept. 2017
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Sur
un groupe Facebook destiné aux professeurs, beaucoup jugent que l’initiative
est «ridicule» et que cela «rend la langue incompréhensible». Mardi matin, le
philosophe polémiste Raphaël Enthoven y est allé au bazooka contre l’initiative
dans sa chronique pour Europe 1, dénonçant «une agression de la syntaxe par
l’égalitarisme» et n’hésitant pas à évoquer la novlangue dans le roman 1984
d’Orwell : car dans les deux cas «c’est le cerveau qu’on vous lave quand on
purge la langue». Pour lui, la langue est une «mémoire dont les mots sont les
cicatrices» et il serait donc vain de s’imposer «un lifting du langage qui
croit abolir les injustices du passé en supprimant leur trace».
Suivre
Raphaël
Enthoven ✔@Enthoven_R
L'écriture
inclusive, ou le double héritage de 1984 et des Précieuses
Ridicules.http://www.dailymotion.com/video/x620veq #Europe1
10:19
- 26 sept. 2017
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Ce
type d’écriture est pourtant encouragé par le Haut conseil à l’égalité entre
les femmes et les hommes (HCEFH), qui soulignait dans son rapport de 2015 que
«la langue reflète la société et sa façon de penser le monde». Du côté du
ministère de l’Education, on assure qu’il n’y a pas de travail en cours sur le
sujet et que «c’est la liberté des éditeurs qui prévaut».
«L’idée
de l’écriture inclusive est de redonner de la place au féminin, de s’affranchir
du masculin générique, neutre, qui est englobant», explique Raphaël Haddad,
fondateur de l’agence de communication Mots-Clés, auteur d’un manuel d’écriture
inclusive et docteur en communication à l’université Paris-Est Créteil. En
France, la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin n’était pas la norme
jusqu’au milieu du XIXe siècle. La professeure émérite de littérature française
Eliane Viennot souligne fréquemment que, jusqu’au XVIIe siècle, la règle de la
proximité primait. Cela signifie que l’accord se fait avec le mot le plus
proche, ce qui explique pourquoi Racine écrivait «Armez-vous d’un courage et
d’une foi nouvelle» dans sa tragédie Athalie en 1691. «La langue n’est pas
juste une construction de grammaire, c’est aussi un enjeu de société, insiste
Raphaël Haddad. Il y a eu de grosses batailles à partir du XVIIe siècle pour affirmer
la prédominance du masculin sur le féminin par la langue. Par ailleurs,
l’Académie française est formidablement conservatrice sur ce sujet-là et s’est
mise en travers de la banalisation d’un certain nombre d’usages.»
Quelles
sont les règles de l’écriture inclusive ?
Pour
rédiger un texte non sexiste, il faut respecter trois principes. D’abord
accorder les grades, les fonctions occupées, les métiers ou encore les titres
en fonction du genre. Ainsi, on parlera d’une charpentière, d’une professeure, d’une
pompière, d’une auteure ou autrice (au choix). A l’inverse, dans un idéal
égalitaire, est-ce qu’on masculinise les noms féminins ? Oui, même si c’est
plus rare. L’Office québécois de la langue française recommande, par exemple,
d’écrire «un homme de ménage» et «une ménagère, un ménager». «En France, il n’y
a aucun problème pour dire "infirmier" mais il y en a beaucoup
apparemment pour dire "chirurgienne". C’est pour les métiers
valorisés socialement qu’il y a le plus de résistances», souligne Raphaël Haddad.
Deuxième
règle : pour évoquer un groupe de personnes, on prend le soin de décliner à la
fois au féminin et au masculin. C’est ce qu’on appelle la double-flexion. On
obtient alors «les candidates et les candidats à l’élection présidentielle» ou «les
cheffes et les chefs de service» si l’on choisit d’énumérer. Mais met-on
d’abord les métiers féminins ou masculins ? C’est l’ordre alphabétique qui va
primer : «les maçonnes et les maçons», «les décorateurs et décoratrices», «les
maires et les mairesses», «les plombières et les plombiers». Il est aussi
possible de condenser le tout dans un seul mot, en séparant par un point, comme
l’a fait Hatier dans son manuel en écrivant que, «grâce aux agriculteur·rice·s,
aux artisan·e·s et aux commerçant·e·s, la Gaule était un pays riche».
Enfin,
on évite les mots «homme» et «femme» et on utilise des termes génériques, plus
universels. Le Haut conseil à l’égalité préférait par exemple, dans son
rapport, «droits humains» à «droits de l’homme». Au lieu d’écrire «les
enseignant·e·s» ou «les enseignantes et les enseignants» , on peut préférer
parler du «corps enseignant» pour alléger le texte.
A
LIRE AUSSI :
Auteur,
auteure ou autrice ? A Paris, une dictée d’un genre nouveau
Pour
la conjugaison et les accords, là aussi, on abandonne la primauté masculine au
profit de la proximité. Le nom le plus proche du verbe l’emporte. Ce qui donne
: «les maires et les mairesses sont satisfaites» et «les plombières et les
plombiers sont occupés».
Cas
pratique : dans une entreprise, on souhaite parler des collaborateurs, mot qui
est masculin au pluriel. En langue inclusive, la première option est la double
flexion : «les collaborateurs et les collaboratrices». La deuxième est
d’utiliser une reformulation épicène, c’est-à-dire à l’aide de mots
hermaphrodites. On pourrait ainsi remplacer «les collaborateurs» par «les
membres», car cela fonctionne avec «une» et «un». La troisième option serait
d’utiliser les points milieu : collaborateur·rice·s. «On peut jongler entre ces
trois options au cas par cas. C’est ce que l’on fait toutes et tous au
quotidien, on choisit le mot le plus adapté en fonction du contexte. Ainsi,
l’écriture inclusive ne rigidifie pas la langue. On peut aussi très bien écrire
un texte entier sans aucun point milieu si on est rebuté par ce type de
ponctuation», note Raphaël Haddad.
Pourquoi
le point milieu est-il préféré à la parenthèse, au point ou au tiret ?
La
parenthèse a été exclue d’office car cela revient à mettre le féminin entre
parenthèses. Le point final et le tiret ont déjà une vocation dans l’écriture,
donc les promoteurs de l’écriture inclusive ne voulaient pas les détourner de
leur usage grammatical. C’est comme ça que le point milieu est né. Sous
Windows, on l’obtient (un peu difficilement) grâce au raccourci Alt+0183 et sur
Mac Alt+maj+F. L’Afnor est en train de réformer le clavier AZERTY et a fait des
propositions qui incluent le point milieu. Ce signe sera imprimé sur les futurs
claviers, ce qui le rendra donc plus accessible. Reste que l’utilisation de ce
signe est critiquée car il rendrait les textes incompréhensibles pour les
non-initiés. «Dire que c’est illisible est faux, une étude a démontré que la
vitesse de lecture est à son niveau normal à partir de la deuxième occurrence,
soutient Raphaël Haddad. Quand on rencontre le point milieu la première fois,
on se dit qu’il se passe un truc étrange et la deuxième fois on arrive
parfaitement à le lire.»
Est-ce
uniquement un combat féministe ?
Cette
norme d’écriture non sexiste qui permet de rendre le langage plus neutre n’est
pas qu’une question de féminisme. «Ce sont des mouvements qui visent à remettre
de la souplesse dans la perception et la reconnaissance d’un certain nombre de
catégories sociales basées sur la question du genre ou du sexe», explique Raphaël
Haddad. L’écriture inclusive est très utilisée par les personnes LGBTQI car
elle permet de s’affranchir de la binarité du genre, très présente dans la
langue française où il faut se définir comme «il» ou «elle». Une personne
transgenre ou intersexe qui se considère de genre fluide peut ainsi écrire «Je
suis content·e» sans avoir à se positionner comme «homme» ou «femme».
«Mais
l’écriture inclusive telle qu’on la préconise aujourd’hui ne va pas jusqu’à
proposer des mots transsexes. Par exemple, "acteurice" ne rentre pas
aujourd’hui dans ce que l’on appelle l’écriture inclusive», précise cependant
le docteur en communication. D’autant que d’autres conventions que l’écriture
inclusive telle qu’on l’a présentée peuvent être utilisées. Dans son denier
livre Homo inc.orporated, Sam Bourcier, chercheur trans de l’université de
Lille, utilise une écriture égalitaire différente. «La solution qui consistait
à tout neutraliser au niveau des genres et des accords ne me convenait pas. […] Ce n’est pas à moi d’assigner la
neutralité de genre aux autres», précise l’introduction de son ouvrage. Et de
préférer l’astérisque pour les accords de genre et en nombre, «en zones
d’énonciation queer et transféministe comme dans fabuleu*, étudiant*,
militant*, un* licorne, etc.» Cet astérisque était déjà systématiquement
utilisé par l’auteur pour le mot «trans*» afin de «sabrer le "sexuel"
de "transsexuel" [et pour] laisser ouvert le répertoire des identités
et des subjectivités trans*». Les tracts et communiqués d’associations féministes
lesbiennes et trans comme FièrEs utilisent eux la majuscule comme suit : «Nos
militantEs».
D’autres
pays ont-ils développé l’écriture inclusive ?
La
France semble avoir plus de mal que d’autres pays francophones à faire évoluer
la langue dans une optique plus égalitariste. En Angleterre, ce travail est
aussi à l’œuvre mais fait moins polémique. En Anglais, par exemple, on ne dit
plus «chairman» mais «chairperson». En Belgique ou au Québec, l’usage de
l’écriture inclusive est aussi beaucoup plus répandu, même si des débats
subsistent. «En France, il y a une résistance idéologique parce que c’est le
dernier terrain des masculinistes. La langue pourrait très bien s’adapter, nous
passons notre vie à revitaliser la langue, à inventer des mots, c’est pour cela
que les dictionnaires sont vivants», plaide Raphaël Haddad, en précisant que
dans les autres langues, le travail d’actualisation s’est fait beaucoup plus
facilement.
Margaux Lacroux
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