« Il est très difficile de faire comprendre aux gens cette
indignation impersonnelle qui vous prend à l’idée du déclin de la littérature,
de ce que cela implique et de ce que cela produit en fin de compte. Il est à
peu près impossible d’exprimer, à quelque degré que ce soit, cette indignation,
sans qu’aussitôt l’on vous traite d’“aigri” ou de quelque autre chose du même
genre », écrivait Ezra Pound dans son pénétrant ABC de la lecture en 1966.
« Cinquante ans plus tard, que de l’état actuel où se trouve
la langue française d’aucuns s’inquiètent, s’émeuvent ou se désolent, vous les
verrez aussitôt accusés de pessimisme, de déclinisme, quand ce n’est pas de
passéisme ou d’être de parfaits réactionnaires : automatisme épuisant autant
que débile dès lors qu’il s’agit d’art et de beauté, ces vieilles lunes
encombrantes autant qu’inutiles au nouveau monde contemporain tel qu’il va dans
sa numérisation galopante et son amnésie programmée, la vitesse de sa pensée
calculante et sa novlangue, mais surtout son formidable conformisme idéologique
et moral infesté de servitude volontaire et de cynisme viral...»
(...)
( Cécile Guilbert , La Croix, 21 mars 2018.)