(Dernière minute)
Dieumerci, le Black Friday est passé. Il a passé sur le
monde entier. Ç’a été un Black Friday universel. Même au Botswana, même dans le
plus petit village chilien, où trottent les cochons sauvages, c’était le Black
Friday. Tout cela en anglais, bien entendu. Vendredi noir, ça fait attentat, et
les attentats nuisent au commerce. Ils ont donc noirci le vendredi dans une
langue étrangère, pour que ça ne se comprenne pas. On comprend sans comprendre
: black, ça n’évoque rien, surtout au Botswana. Et puis bonnets rouges, gilets
jaunes, black friday : qu’est-ce qu’elles leur ont fait, les couleurs?
(Un « forcené » voulait se faire exploser dans un centre
commercial. Il se réclamait des « Gilets rouges ». On voit bien qu'il est fou,
le type : il n'a rien compris aux codes couleurs.)
(Dernière minute 2)
Le lendemain était un Pink Saturday. Contre les violences
faites aux femmes. Il y avait des « espaces non mixtes » dans les
manifestations. C’est bien. Ségréguons ! (Bientôt nous serons face à face, avec
des gourdins.) Quel dommage qu’il n’y ait plus personne dans les églises ! On
aurait mis les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, comme dans le bon vieux
temps. Nous pourrions peut-être aussi réserver les places arrière aux Noirs,
dans les autobus ? Recréer la première classe dans le métro ? Toute cette
nostalgie est charmante, et sent bon le terroir :
Le mouvement vient des
États-Unis, comme d’habitude, et a été théorisé depuis. « Les opprimés
ne peuvent pas mettre de mots sur les choses si les oppresseurs sont présents
», dit Françoise Vergès, politologue féministe. Cela tombe sous le sens :
comment voulez-vous crier votre haine des hommes s’ils sont à vos côtés ?
( Jacques Drillon , Les papiers découpés n°34. 30 novembre
2018.)