CinéTéléObs n°2561, 7 décembre 2013.
Ce serait un beau titre de livre sur notre destin depuis quarante ans. (Dominique Noguez, 1983)
mardi 24 décembre 2013
lundi 23 décembre 2013
"Jeu de Paume" & "Marie-Madeleine de Proust"
ll existe
dans la langue des termes qui «font la bête à deux mots». Ils s’accolent et,
ciel, cela fait sens. L’écrivain Jean-Luc Fornelli en a rempli un dictionnaire, qu’il faut lire à l’«horizontale»,
plein de mots-valises et de paronymes délicieux : «zizigouiller», «fuziziller»,
«narzizisme» ou «nénécessité»… L’occasion de s’interroger sur la signification
profonde de ces télescopages.
Les paronymes sont des mots
qui ont à peu près la même prononciation et peuvent faire l'objet de
rapprochements ludiques comme "embrasser" et "embraser",
"s'enlacer" et "se lasser", ou bien "amen" et
"hymen". Suivant le phénomène d’attraction paronymique (également
appelé paronomase), il y a des mots qui ne cessent d’en évoquer d’autres et
lorsqu’on les prononce (ou qu’on les écrit avec des fautes d’orthographe
volontaires) cela donne l’impression que ces mots étaient destinés l’un à
l’autre. Un sens secret relie ainsi "l’amour" à "la mort",
"être ange" à "étrange" ou "baisers" à
"bizarres". Il suffit d’un glissement de son pour que des objets
appartenant à des domaines très éloignés de la réalité entrent en conjonction,
bouleversant notre vision du monde : il y a donc du "génie" dans le
"génital" ? La paronomase, -comme les rêves, les collages ou les
cadavre exquis-, distord le réel, bouleverse nos catégories habituelles de
pensée et ouvre notre esprit aux vérités profondes.
L’effet paronymique a tout
d’un étreinte amoureuse, à la fois grotesque et féérique. Il s’agit d’échanger
des voyelles comme on s’échangerait des fluides afin de créer des contrepétries
par exemple : «Martyr,
c’est pourrir un peu» (Prévert, jouant sur l’échange des consonnes
P et M). La paronomase peut aussi prendre la forme de calembours,
d’allitérations, d’anagrammes ou -plus spectaculaires- de mots-valise. Les
mots-valise sont des néologismes formés par la fusion d’au moins deux mots qui
sont coupés puis collés. Pour le dire plus clairement : prenez deux mots,
mettez-les ensemble et vous aurez un bébé mot. Notre langue est pleine de ces
rejetons nés d’associations hasardeuses. "Adulescent"
(adulte-adolescent), "alicament" (aliment-médicament),
"bobo" (bourgeois-bohême), "tapuscrit" (taper-manuscrit),
"pourriel" (poubelle-courriel) sont désormais entrés dans la langue,
tout comme ce mot "foultitude" inventé par Victor Hugo
(foule-multitude) ou "craquotte" (craquant-biscotte), lancé par un
génie du marketing.
(...)
Dans le
conte initiatique de Lewis Carrol, pour pouvoir devenir adulte, il faut passer
par cette prise de conscience que les mots eux aussi s’accouplent. Le désir
traverse tout, y compris la langue, qui ne demande qu'à être prise et
retournée. Dans son Nouveau Dictionnaire
horizontal, Jean-Luc Fornelli
organise alphabétiquement ces figures de kama-sutra sémantiques, ces
crash-testicules sonores qui -ouvrant de nouvelles possibilités- nous font
comprendre que les choses pourraient être différentes. Épinouir : (syn : bien-baiser) rendre quelqu'un heureux avec sa pine.
Consentant : vagin à l'odeur peu affriolante.
Fuziziller : tirer un ou plusieurs coups.
Homoplate: lesbienne dépourvue de poitrine.
Hôtel de passes : lupanar dévolu aux footreballeurs.
Impasse: rencontre qui ne mène à rien entre une prostituée et son client.
Inopiner: baiser par surprise.
Jeu de Paume: autre nom de la branlette.
Marie-Madeleine de Proust : fille de joie qui irradie le souvenir.
Narzizisme: amour excessif de son pénis.
Nénécessité: irrépressible envie de toucher un ou des seins.
Subitte: verge que l'on n'a pas vu venir.
Zizigouiller: tuer à coup de trique.
Fuziziller : tirer un ou plusieurs coups.
Homoplate: lesbienne dépourvue de poitrine.
Hôtel de passes : lupanar dévolu aux footreballeurs.
Impasse: rencontre qui ne mène à rien entre une prostituée et son client.
Inopiner: baiser par surprise.
Jeu de Paume: autre nom de la branlette.
Marie-Madeleine de Proust : fille de joie qui irradie le souvenir.
Narzizisme: amour excessif de son pénis.
Nénécessité: irrépressible envie de toucher un ou des seins.
Subitte: verge que l'on n'a pas vu venir.
Zizigouiller: tuer à coup de trique.
Jean-Luc Fornelli, Dictionnaire horizontal, Éditions Humus.
Agnès Giard, Libération 18/12/2013.
samedi 23 novembre 2013
vendredi 22 novembre 2013
Maux de l'année
Le « selfie », cet autoportrait photographique souvent réalisé avec un smartphone puis mis en ligne sur les réseaux sociaux, a été choisi comme le mot de l'année 2013 par les Dictionnaires d'Oxford, ouvrages de référence en langue anglaise, aussi bien dans leur édition américaine que britannique.
le « selfie » a été préféré notamment à « twerk », danse suggestive rendue célèbre par la chanteuse américaine Miley Cyrus, à « binge-watch », visionnage-marathon de programmes télévisés, ou la monnaie numérique bitcoin,
Les « Oxford Dictionaries » utilisent un outil de recherche capable d'analyser près de 150 millions de mots anglais utilisés sur internet chaque mois. Ils ont trouvé que l'usage du terme «selfie» avait augmenté de 17.000% sur les 12 derniers mois. La première apparition connue de ce mot remonterait à 2002, sur un forum de discussions en ligne australien.
jeudi 21 novembre 2013
Çaisfran !
"Genre tu kiffes le çaisfran ! Du coup tu taffes
grave." Traduction : "C'est parce que tu aimes le français que tu
travailles autant." Si seulement ! Le français a bien changé depuis la
Gaule romaine. Entre le verlan, les anglicismes, les défauts de prononciation
et les produits de l'imagination purs, les jeunes, les djeun's d'aujourd'hui
partagent un vocabulaire encore étranger à leurs aînés. Tandis que la grammaire
se sclérose, les adultes se décomposent. Encourageante évolution ou dégradation
affligeante ? Le Point.fr a relevé quelques-unes des expressions phares de la
jeunesse actuelle.
Avoir le seum : Autrefois, on disait avoir les boules. De
nos jours, on a le "seum", à savoir un coup dur, de blues, de
déprime. C'est pas la joie, quoi ! Une expression qui traduit parfaitement le
désarroi de ceux qui ne la comprennent pas.
Avoir le swag ou du swag : Dans son acception la plus
limitée, le swag signifie le style, "la classe". Toutefois, la
connotation vestimentaire découle d'une véritable mentalité. En anglais, to
swag, c'est se mettre en avant, frimer. Quelqu'un qui a le swag ou qui est
swag, c'est donc quelqu'un qui a de l'allure et qui aime le montrer. "Un
espèce" (sic) de frimeur, en somme.
Frais / fraîcheur : Généralement quand on entend "Ce
débardeur est très frais", dans un magasin, on pense tout de suite à un
motif délicat, coloré et floral ; alors que l'on devrait se dire "Waouh !
il est trop top, ce petit top !" C'est frais, c'est cool, c'est "stylé".
Quelqu'un de frais, en revanche, c'est quelqu'un de sympa. Et, par extension,
une fraîcheur incarne l'archétype de la jeune fille à la mode et fière de
l'être. Son ego est tel qu'elle se prend pour une star dont elle singe les
poses, les moues. Dans la bouche d'un garçon, il s'agit de son idéal féminin...
sans simplicité, contrairement à ce que recherche le héros des Demoiselles de
Rochefort. À chaque époque ses critères !
Il ou elle fait crari : On pourrait le dire d'une fraîcheur
qui fait tout pour se donner un genre. Plus concrètement, faire crari, c'est
faire semblant, "s'la péter", crâner.
Bolos, boloss ou bolosse : Une étiquette qui s'adresse à
tous les losers, ringards, bouffons, coincés de service. Phénomène promu par le
film de Ben Palmer, les "Boloss" se définissent par ce qu'ils ne sont
pas, à savoir branchés, extravertis, séduisants. Initialement, leur exclusion
tient à leur style souvent négligé, mais le lexique djeun's évoluant comme
n'importe quelle autre langue, le terme a progressivement revêtu une
connotation plus ou moins positive. Dans certains quartiers huppés de Paris,
les bolosses sont tout simplement les têtes de classe, ni associables, ni
frimeurs, seulement intelligents. Comme quoi un mot peut vouloir dire tout et
son contraire !
"'Tain tu vas douiller" : De même que boloss,
"douiller" a connu une évolution sinon logique, du moins
intéressante. À l'origine, le terme dénote une dépense risquée, un achat
douloureux. "Ouille, ouille, ouille ! Ça douille !", c'est cher ; ou
bien "Il va douiller", c'est-à-dire il va casquer. Toutefois, les
notions de souffrance et d'argent ont fini par fusionner, si bien que "Tu
vas prendre cher" et "Tu vas douiller" sont devenus synonymes de
souffrir, peiner, ramer.
Fais belek ou bellek : Emprunt à l'arabe - registre familier
- : fais gaffe, fais attention !
S'enjailler : Ce serait faire fausse route que s'en référer
directement au français. Même si le sens en est proche, s'enjailler ne vient
pas de s'encanailler, mais de "enjoy" : apprécier, profiter, en
anglais. Prononcé "à l'africaine", il trahit ses origines. Néologisme
nouchi, argot français pratiqué en Côte d'Ivoire, on le retrouve dans
"Dingue de toi", le "tube" qu'a dédié Sofiane à sa tendre
Nabilla. Par "Pourvu qu'on s'enjaille", il faut entendre pourvu qu'on
s'mette bien, qu'on s'amuse, qu'on s'fasse soit plaiz.
Bail(s) ou bayes : Et le chanteur de poursuivre
"(pourvu) qu'on se fasse un bail...". Jusqu'à présent, "ça fait
un bail" signifiait en français familier "ça fait longtemps",
sous-entendu, "que l'on ne s'est pas vus" ! Désormais, le terme
possède deux significations. Synonyme de choses, au sens large, il peut se
traduire à la fois par affaires, nouvelles, soit par attouchements,
préliminaires. Aussi "C'est quoi les bails ?" se traduit tantôt par
"Comment ça va ?", "Quoi de neuf ?", tantôt par "Quels
sont les potins ?", "Ils ont fait quoi ensemble ?". Réponse :
des trucs. Voilà ce que Sofiane voulait : que Nabilla le chauffe !
Zder : Comment s'enjaille la jeunesse d'aujourd'hui ? En
fumant. Et en fumant quoi ? Des zders. Eh oui, c'est ainsi que l'on appelle les
joints. Il faut bien vivre avec son temps, même si, pour cela, on doit parfois
se pourrir la santé.
Faya : Dans la lignée du vocabulaire de camés, être faya,
c'est être foncedé, planer. Un état qui séduit de plus en plus d'ados en
France, où le pourcentage de fumeurs de 15-16 ans est passé de 30 % à 38 %,
entre 2007 et 2011.
"J'lui ai bicrave" : Le voici, le voilà, le summum
de l'impropriété : "j'lui ai bicrave", c'est-à-dire je lui ai vendu
de la drogue. Verbe invariable "bicrave" n'appartient ni au premier,
au deuxième, ni au troisième groupe de la conjugaison française. Mais où est
donc le participe passé ? Ça se dégrade grave, comme on dit.
Voilà les tics de langage, ces "bête d'"
expressions qui font "tripper" les jeunes. Ces "djeuns"
qui, "javoueee", "se tapent des barres" en pensant à leurs
vieux, "vénères" de comprendre "ke dalle" à ce que
"contera" leurs enfants [verlan de raconter à ne pas confondre avec
le futur simple de conter, NDLR]. Rien qu'en comptant les guillemets, on se
rend compte de l'ampleur du phénomène.
Sarah Belmont
Le Point, 22 avril 2013.
Le Point, 22 avril 2013.
vendredi 13 septembre 2013
" French books in America ? "
C'est en France que l'université new-yorkaise Columbia vient
célébrer la littérature mondiale, apportant dans ses bagages une trentaine
d'écrivains venus d'un peu partout. A juste titre, puisque le marché éditorial
français est très ouvert à la littérature étrangère, en particulier
anglo-saxonne : un roman sur trois est une traduction, et les trois quarts des
romans traduits le sont de l'anglais. Columbia rapportera-t-elle à New York une
malle pleine de romans français à faire découvrir aux lecteurs américains ?
Cela n'est pas certain. Les Etats-Unis constituent, pour la
littérature en traduction, ce que la sociologue Gisèle Sapiro nomme "un
environnement hostile". Le chapitre qu'elle lui consacre, dans Traduire la
littérature et les sciences humaines. Conditions et obstacles (DEPS, 2012),
détaille les barrières culturelles et structurelles qui en font une citadelle
apparemment imprenable. "Les traductions, écrit-elle, ont connu une
marginalisation croissante sur ce marché depuis les années 1970." Elles ne
représentent en effet que 2 % à 4 % de la production annuelle, et 1 % seulement
de la fiction ! Sur ce segment très étroit, le français reste néanmoins la
première langue traduite, juste devant l'allemand.
Pour l'éditeur Olivier Cohen, fondateur des éditions de
L'Olivier, les textes étrangers se heurtent, aux Etats-Unis, à un "mur
d'indifférence". Formule que ne démentirait sans doute pas Xavier North,
délégué général à la langue française et aux langues de ...
vendredi 13 septembre 2013.
Libellés :
Annie Ernaux,
Antonin Baudry,
DEPS,
Editions de L'Olivier,
Florence Bouchy,
Gisèle Sapiro,
Le Monde des Livres,
Livres,
Olivier Cohen,
Pierre Michon,
Xavier North
mardi 10 septembre 2013
mercredi 24 juillet 2013
mardi 23 juillet 2013
Mots qui n'existent pas
Comme Gilles Vervisch est philosophe,
taquinons-le un peu. Un dictionnaire n'a-t-il pas pour fonction de figer
le sens des mots après qu'ils aient été utilisés dans la langue, de manière
assez récurrente pour que quelques doctes lexicographes s'estiment en droit de
les faire entrer, puis parfois sortir, de la Langue française telle qu'en son
Académie elle se fige ? Les dictionnaires arrivent toujours a posteriori.
Or, est-ce le dictionnaire qui fait exister les mots ou bien simplement
consacre un usage ? Les mots existent avant d'être figés, et c'est toute
l'histoire de la langue française que cette utilisation de mots qui n'existent
pas encore dans le sacrement mais sont pourtant bien vivant dans la rue. Bien
sûr, l'entreprise du Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilisequand même a une vertu beaucoup plus ludique, mais quand même !
D'ailleurs, à l'occasion de la définition
de combientième, les auteurs de ce farfelu Dico des mots
qui n'existent pas et qu'on utilise quand même se posent la même
question : "un mot qui n'existe pas mais qui est référencé dans le
dictionnaire des mots qui existent existe-t-il ?A-t-il, par suite, bien sa
place dans un dictionnaire des mots qui n'existent pas (et qu'on utilise quand
même) ?" vaste débat...
Les mots recueillis ici sont tous très
modernes et issus de milieux spécialisés. En effet, quel intérêt de signaler déguilder quand
depuis longtemps les geeks adeptes du MMORPG WoW savent très bien ce que cela
veut dire et les autres s'en fichent ? De la même manière, pourquoi faire
figurer des mots de l'anglais (no-life, topless, think tank) quand
on sait la propension de nos contemporains à croire, contre l'idéal
de nos cousins québécois, qu'il est préférable de parler un mauvais franglais
qu'un bon français ? N'aurait-il pas fallu proposer des entrées avec des mots
plus ou moins communs, de manière à ce que tout le monde s'y retrouve ?
Et où sont passé le si affreux positiver et autres
inventions des publicitaires ? à moins qu'ils y soient déjà et que je me fasse
décidément trop vieux...
Ces remarques mises à part, le Dico
des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même est vraiment
intelligent et drôle, tant par ses entrées que par la qualité des définitions
qu'il donne. Dans la veine des dictionnaires "humoristiques et
sérieux" qui paraissent depuis quelques années sur la langue, celui-ci
n'est pas le moins plaisant. On se réjouit de voir les "définitions"
de Merki, facilitateur, matcher, kikoulol,
aujoud'aujourd'hui, etc. Certains surprennent tant ils sont facilement
utilisés, commechronophage ou procrastinateur (résumé
en faignasse !), d'autres parce qu'on se demandent où ils ont
été entendu une seule fois (se berlusconiser, suédé, tartinabilité).
Gros coup de cœur pour un mot qui restera je pense en dehors de la
sphère footballistique t après le fin de carrière dudit joueur, zlataner !
qui a vu ce joueur une fois imposer sa puissance physique à ses adversaires, au
mépris souvent du beau jeu, comprendra.
Au-delà du simple jeu, cette belle
assemblée lexicale montre un glissement de la langue influencée par les média,
m'anglais, le sport, les jeux vidéos, l'informatique, tout ce qui pourrait en
faire sa nouvelle richesse s'il était utilisé pour enrichir plutôt que pour
enlaidir la langue. Affaire de goût, mais au moins Olivier Talon et
Gilles Vervisch posent, avec ce Dico des mots qui n'existent
pas et qu'on utilise quand même, la question de la place des mots dans la
langue.
Loïc Di Stefano
Le salon Littéraire
Le salon Littéraire
Olivier Talon et Gilles Vervisch, Dico
des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, Express
Roularta, mars 2013, 288 pages, 12,90 eur
lundi 22 juillet 2013
dimanche 21 juillet 2013
samedi 20 juillet 2013
La place de l’anglais dans l’université français
La place de l’anglais dans l’université française
20.07.2013 - 09:07
Invité(s) :Dominique Seux, rédacteur en chef au service France du journal Les EchosEmmanuel Constantin, élevé à Polytechnique
vendredi 19 juillet 2013
jeudi 18 juillet 2013
" Le crétin tel qu'on ..."
"Le
Crétin tel qu’on le parle " est un guide du beau langage qui se
réclame de Confucius, mais qui se signale surtout par son extrême confusion.
→ Pierre Chalmin, Le crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites, Les Éditions de Paris, Max Chaleil, mai 2013, 9,00€.
→ Pierre Chalmin, Le crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites, Les Éditions de Paris, Max Chaleil, mai 2013, 9,00€.
"Concédons
enfin que nous-même ne somme pas exempt de tout reproche", écrit Pierre
Chalmin dans son avant-propos. En lisant cette phrase, on a envie de
s’écrier : "Effectivement !" Car si l’on veut bien croire
que l’omission du –s final de sommes n’est ici qu’une coquille, cette
coquille est fort malencontreuse dans un ouvrage qui prétend dénoncer la
dégradation de la langue française dans la bouche et sous la plume de certains
de nos illustres contemporains.
Certes, ce lexique
intitulé le Crétin tel qu’on
le parle ou le jargon des élites arrive
après bien d’autres du même type, mais, justement, il ne fait que reproduire
les défauts de tous ses prédécesseurs sans en corriger aucun. Et sans se rendre
compte que, très vite, et comme les autres, il en arrive à nuire à la cause
qu’il entend défendre. Car, passé le premier sourire, le lecteur de bonne foi
ne peut réprimer un sentiment de lassitude, puis un sentiment d’agacement.
Bien sûr —
pourquoi le nier ? —, certains articles sont d’une pertinence extrême et
ne sauraient que réjouir le cœur des vrais amoureux de la langue. Il n’est pas
mauvais de rappeler que ce que certains journaux comme le Figaro s’obstinent à appeler "une
longue maladie" se nomme en bon français cancer ou que les adjectifs adapté ou spécifique feraient souvent mieux l’affaire
que ce dédié qu’on met désormais à toutes les
sauces. Il n’est pas mauvais de moquer tous ces "Voilà !" qui
prétendent résumer une pensée quand aucune véritable pensée n’a été exprimée.
Mais la rigueur ne
saurait se permettre la moindre approximation si elle veut être convaincante,
et, malheureusement, les quatre-vingts pages de ce Crétin fourmillent d’approximations. Passons
sur ses fautes de ponctuation (dès les premières lignes) et sur le fait qu’il
présente souvent comme fautes d’aujourd’hui des fautes qui sont des fautes de
jadis, ou tout au moins de naguère : l’auteur lui-même reconnaît la chose
en mettant en exergue une citation empruntée à Confucius ("Si j’avais le
pouvoir, je commencerais par redonner leur sens aux mots"). Mais nettement
plus choquante est l’hétérogénéité des définitions proposées pour chaque mot,
dans la mesure où, dans certains cas, ces définitions ne sont pas des
définitions, mais de simples commentaires ironiques. Pire encore, les synonymes
proposés ne sont pas toujours des synonymes : mettre en lumière ne signifie pasattirer
l’attention, mais attirer l’attention sur. Tout élève de cinquième est censé
savoir que définir un mot, c’est proposer pour ce mot un parfait équivalent,
mais Pierre Chalmin n’a cure de ce genre de "détail".
La faute la plus
grave touche à l’esprit même de l’ouvrage. Ici encore s’exprime tacitement
l’idée, ou plus exactement la croyance selon laquelle un dictionnaire ou un
lexique aurait pour mission de reproduire une chose fixée pour l’éternité,
dotée d’une vérité ontologique, et qui s’appellerait le langage. Ne pas
comprendre qu’un outil — car le langage est un outil — peut et doit évoluer
autant que ce qu’il entend façonner (ou simplement décrire), c’est refuser de
voir que la langue ne saurait être dissociée de l’Histoire et qu’il existe une
dynamique de la vérité, ne serait-ce que parce que, bien souvent, une vérité
est une erreur qui a fini par s’imposer, pour des raisons qui, par la force des
choses, ne pouvaient toutes être mauvaises et qui ne relevaient pas simplement
de l’analogie (mais si, vous savez bien, cette maladie qui fait dire "en
moto" au lieu de "à moto", parce qu’on dit "en train "
ou "en bateau", le train et le bateau étant de véritables
"contenants").
Nous prendrons un
seul exemple, celui de l’article Cash. "Cash : Franc. En
toute franchise. 'Vous pouvez parler cash, vous n’êtes pas enregistré.' "
Nous choisissons cet exemple parce que nous aussi, nous sursautons en entendant
un pareil emploi. Mais on n’explique rien en sursautant, et l’on ne corrigera
pas une faute si l’on n’en cherche d’abord l’origine, sinon la cause. Il n’est
pas inintéressant de constater que cet emploi figuré du mot cash se répand précisément depuis que
l’on paie de moins en moins en monnaie sonnante et trébuchante. Juste ou
injuste retour des choses, peu importe. Les faits sont là : la hiérarchie
a changé. Il y eut longtemps des boutiques dans lesquelles on n’acceptait pas
les chèques. On ne les accepte pas plus aujourd’hui dans lesdites boutiques,
mais, paradoxalement, certaines opérations, dès lors qu’elles dépassent une
certaine somme, doivent passer par la dématérialisation de la monnaie. Il est
par exemple interdit d’acheter une voiture avec des pièces ou des billets —
l’argent doit désormais avoir une provenance. Autrement dit, le paiement cash, qui autrefois était une garantie
d’honnêteté, est en train de devenir chaque jour un peu plus un acte hors la loi. Faut-il dès lors s’étonner que le
mot cash, fort de ce nouveau sens, puisse être employé
métaphoriquement ? Ce nouvel emploi arrive tout naturellement pour
souligner l’évolution de ses connotations. Pour les intégristes qui
protesteraient sous prétexte qu’une métaphore est une fioriture parfaitement
inutile — en tout cas dans une phrase aussi prosaïque que celle que l’on a
citée —, un coup d’œil sur l'Essai sur l’origine des langues de Jay-Jay s’impose. Rousseau
établit en effet de façon suffisamment claire que chacun des mots que nous
employons n’est à l’origine qu’une métaphore, ou plus exactement une catachrèse, puisque, comme l’a expliqué après lui
Bergson, l’esprit est remonté de la main à la tête.
Ce que défendent
ce Crétin et ses multiples frères n'est pas
sans rappeler le Charles X décrit par Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe. Le cadavre d’un monarque qui ne
tient encore debout que parce qu’on l’a enfermé dans une armure.
Frédéric Albert Lévy
Le salon Litéraire
Le salon Litéraire
mercredi 17 juillet 2013
dimanche 14 juillet 2013
vendredi 12 juillet 2013
mardi 9 juillet 2013
lundi 8 juillet 2013
samedi 6 juillet 2013
jeudi 4 juillet 2013
mercredi 3 juillet 2013
mardi 2 juillet 2013
lundi 1 juillet 2013
jeudi 20 juin 2013
"La Danse des Mots"
Les mises en scène du langage. Le français sur Internet, l’évolution de l’orthographe, le Camfranglais qu’on parle au Cameroun, et même ailleurs, l’explosion de la littérature francophone tout autour du monde.S’interroger sur la langue n’est pas seulement une curiosité aiguë : c’est un révélateur du monde où nous vivons.
Une émission présentée par Yvan Amar.
Une émission présentée par Yvan Amar.
mercredi 19 juin 2013
« ya dra » & « avoir le seum »
«Le
petit livre de la tchatche» ou la nouvelle vie des mots en France »
«Le petit livre de la tchatche», décodeur de l'argot des cités, de Vincent Mongaillard. (First Editions)
Par
Claire Arsenault
RFI, 18 mai 2013.
RFI, 18 mai 2013.
Qu’on
les trouve bizarres ou hermétiques, ils sont là et bien là. Les mots de la
banlieue et des cités ont été amoureusement cueillis par Vincent Mongaillard et
décodés pour les néophytes que nous sommes. Avec Le petit livre de la tchatche,
plus de mystère. Le sel des expressions venues du bled, le nouchi (argot de rue
ivoirien), l’argot des arsouilles parisiens nous sont dévoilés. De quoi faire
crari en somme, ou si on préfère, se donner un genre.
C’est un
décodeur de l’argot des cités. Le genre de petit bouquin à avoir dans la poche
pour saisir au vol les mots de ceux qui ont la tchatche, du bagou. Adeptes de
la « branchitude », les jeunes de banlieue se montrent avant tout créatifs et
souvent poètes. Leur langue, popularisée par le rap notamment, prend des
courbes et des couleurs là où la rectitude ne suffit plus. La ligne droite ne
convient pas toujours aux poètes…
samedi 15 juin 2013
vendredi 14 juin 2013
lundi 10 juin 2013
dimanche 9 juin 2013
samedi 8 juin 2013
vendredi 7 juin 2013
jeudi 6 juin 2013
mercredi 5 juin 2013
Reliance
Qu’il me soit permis de
réhabiliter donc ce mot, RELIANCE, dans le va-et-vient entre le vieux
français, le français et l’anglais . RELIANCE : relier, rassembler, joindre,
mettre ensemble ; mais aussi adhérer à, appartenir à, dépendre de ; et par
conséquent : faire confiance à, se confier en sécurité, faire reposer ses
pensées et ses sentiments, se rassembler, s’appartenir. Après avoir mis en valeur, avec Winnicott, la
séparation et la transitionnalité, il me paraît important d’insister aujourd’hui sur ce versant du maternel qui
MAINTIENT l’investissement et le
contre-investissement de la libido et de
Thanatos lui-même dans des liens psychosomatiques de plus en plus
étendus, à recréer. Cet érotisme spécifique
qui maintient l’urgence de la vie jusqu’aux limites de la vie, je
l’appelle une reliance.
Julia Kristeva, 28.5.2011
Congrès des psychanalystes de langue française, 5 juin
2011.
vendredi 31 mai 2013
jeudi 30 mai 2013
mercredi 29 mai 2013
lundi 27 mai 2013
samedi 25 mai 2013
vendredi 24 mai 2013
jeudi 23 mai 2013
mercredi 22 mai 2013
mardi 21 mai 2013
lundi 20 mai 2013
dimanche 19 mai 2013
samedi 18 mai 2013
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