mardi 23 juillet 2013

Mots qui n'existent pas



Comme Gilles Vervisch est philosophe, taquinons-le un peu.  Un dictionnaire n'a-t-il pas pour fonction de figer le sens des mots après qu'ils aient été utilisés dans la langue, de manière assez récurrente pour que quelques doctes lexicographes s'estiment en droit de les faire entrer, puis parfois sortir, de la Langue française telle qu'en son Académie elle se fige ? Les dictionnaires arrivent toujours a posteriori. Or, est-ce le dictionnaire qui fait exister les mots ou bien simplement consacre un usage ? Les mots existent avant d'être figés, et c'est toute l'histoire de la langue française que cette utilisation de mots qui n'existent pas encore dans le sacrement mais sont pourtant bien vivant dans la rue. Bien sûr, l'entreprise du Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilisequand même a une vertu beaucoup plus ludique, mais quand même !

D'ailleurs, à l'occasion de la définition de combientième, les auteurs de ce farfelu Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même se posent la même question : "un mot qui n'existe pas mais qui est référencé dans le dictionnaire des mots qui existent existe-t-il ?A-t-il, par suite, bien sa place dans un dictionnaire des mots qui n'existent pas (et qu'on utilise quand même) ?" vaste débat...

Les mots recueillis ici sont tous très modernes et issus de milieux spécialisés. En effet, quel intérêt de signaler déguilder quand depuis longtemps les geeks adeptes du MMORPG WoW savent très bien ce que cela veut dire et les autres s'en fichent ? De la même manière, pourquoi faire figurer des mots de l'anglais (no-life, topless, think tank) quand on sait la propension de nos contemporains à croire, contre l'idéal de nos cousins québécois, qu'il est préférable de parler un mauvais franglais qu'un bon français ? N'aurait-il pas fallu proposer des entrées avec des mots plus ou moins communs, de manière à ce que tout le monde s'y retrouve ? Et où sont passé le si affreux positiver et autres inventions des publicitaires ? à moins qu'ils y soient déjà et que je me fasse décidément trop vieux...

Ces remarques mises à part, le Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même est vraiment intelligent et drôle, tant par ses entrées que par la qualité des définitions qu'il donne. Dans la veine des dictionnaires "humoristiques et sérieux" qui paraissent depuis quelques années sur la langue, celui-ci n'est pas le moins plaisant.  On se réjouit de voir les "définitions" de Merkifacilitateur, matcher, kikoulol, aujoud'aujourd'hui, etc. Certains surprennent tant ils sont facilement utilisés, commechronophage ou procrastinateur (résumé en faignasse !), d'autres parce qu'on se demandent où ils ont été entendu une seule fois (se berlusconiser, suédé, tartinabilité). Gros coup de cœur pour un mot qui restera je pense en dehors de la sphère footballistique t après le fin de carrière dudit joueur, zlataner ! qui a vu ce joueur une fois imposer sa puissance physique à ses adversaires, au mépris souvent du beau jeu, comprendra.

Au-delà du simple jeu, cette belle assemblée lexicale montre un glissement de la langue influencée par les média, m'anglais, le sport, les jeux vidéos, l'informatique, tout ce qui pourrait en faire sa nouvelle richesse s'il était utilisé pour enrichir plutôt que pour enlaidir la langue. Affaire de goût, mais au moins Olivier Talon et Gilles Vervisch posent, avec ce Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, la question de la place des mots dans la langue.

Loïc Di Stefano
Le salon Littéraire

Olivier Talon et Gilles Vervisch, Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, Express Roularta, mars 2013, 288 pages, 12,90 eur





lundi 22 juillet 2013

Solard


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.

samedi 20 juillet 2013

La place de l’anglais dans l’université français

Emission Répliques

Répliques
le samedi de 9h07 à 10h

La place de l’anglais dans l’université française

20.07.2013 - 09:07

Invité(s) :Dominique Seux, rédacteur en chef au service France du journal Les EchosEmmanuel Constantin, élevé à Polytechnique




vendredi 19 juillet 2013

jeudi 18 juillet 2013

" Le crétin tel qu'on ..."



 "Le Crétin tel qu’on le parle " est un guide du beau langage qui se réclame de Confucius, mais qui se signale surtout par son extrême confusion.

Pierre ChalminLe crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites, Les Éditions de Paris, Max Chaleil, mai 2013, 9,00€.

"Concédons enfin que nous-même ne somme pas exempt de tout reproche", écrit Pierre Chalmin dans son avant-propos. En lisant cette phrase, on a envie de s’écrier : "Effectivement !" Car si l’on veut bien croire que l’omission du –s final de sommes n’est ici qu’une coquille, cette coquille est fort malencontreuse dans un ouvrage qui prétend dénoncer la dégradation de la langue française dans la bouche et sous la plume de certains de nos illustres contemporains.

Certes, ce lexique intitulé le Crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites arrive après bien d’autres du même type, mais, justement, il ne fait que reproduire les défauts de tous ses prédécesseurs sans en corriger aucun. Et sans se rendre compte que, très vite, et comme les autres, il en arrive à nuire à la cause qu’il entend défendre. Car, passé le premier sourire, le lecteur de bonne foi ne peut réprimer un sentiment de lassitude, puis un sentiment d’agacement.
           
Bien sûr — pourquoi le nier ? —, certains articles sont d’une pertinence extrême et ne sauraient que réjouir le cœur des vrais amoureux de la langue. Il n’est pas mauvais de rappeler que ce que certains journaux comme le Figaro s’obstinent à appeler "une longue maladie" se nomme en bon français cancer ou que les adjectifs adapté ou spécifique feraient souvent mieux l’affaire que ce dédié qu’on met désormais à toutes les sauces. Il n’est pas mauvais de moquer tous ces "Voilà !" qui prétendent résumer une pensée quand aucune véritable pensée n’a été exprimée.
           
Mais la rigueur ne saurait se permettre la moindre approximation si elle veut être convaincante, et, malheureusement, les quatre-vingts pages de ce Crétin fourmillent d’approximations. Passons sur ses fautes de ponctuation (dès les premières lignes) et sur le fait qu’il présente souvent comme fautes d’aujourd’hui des fautes qui sont des fautes de jadis, ou tout au moins de naguère : l’auteur lui-même reconnaît la chose en mettant en exergue une citation empruntée à Confucius ("Si j’avais le pouvoir, je commencerais par redonner leur sens aux mots"). Mais nettement plus choquante est l’hétérogénéité des définitions proposées pour chaque mot, dans la mesure où, dans certains cas, ces définitions ne sont pas des définitions, mais de simples commentaires ironiques. Pire encore, les synonymes proposés ne sont pas toujours des synonymes : mettre en lumière ne signifie pasattirer l’attention, mais attirer l’attention sur. Tout élève de cinquième est censé savoir que définir un mot, c’est proposer pour ce mot un parfait équivalent, mais Pierre Chalmin n’a cure de ce genre de "détail".
           
La faute la plus grave touche à l’esprit même de l’ouvrage. Ici encore s’exprime tacitement l’idée, ou plus exactement la croyance selon laquelle un dictionnaire ou un lexique aurait pour mission de reproduire une chose fixée pour l’éternité, dotée d’une vérité ontologique, et qui s’appellerait le langage. Ne pas comprendre qu’un outil — car le langage est un outil — peut et doit évoluer autant que ce qu’il entend façonner (ou simplement décrire), c’est refuser de voir que la langue ne saurait être dissociée de l’Histoire et qu’il existe une dynamique de la vérité, ne serait-ce que parce que, bien souvent, une vérité est une erreur qui a fini par s’imposer, pour des raisons qui, par la force des choses, ne pouvaient toutes être mauvaises et qui ne relevaient pas simplement de l’analogie (mais si, vous savez bien, cette maladie qui fait dire "en moto" au lieu de "à moto", parce qu’on dit "en train " ou "en bateau", le train et le bateau étant de véritables "contenants").
           
Nous prendrons un seul exemple, celui de l’article Cash. "Cash : Franc. En toute franchise. 'Vous pouvez parler cash, vous n’êtes pas enregistré.' " Nous choisissons cet exemple parce que nous aussi, nous sursautons en entendant un pareil emploi. Mais on n’explique rien en sursautant, et l’on ne corrigera pas une faute si l’on n’en cherche d’abord l’origine, sinon la cause. Il n’est pas inintéressant de constater que cet emploi figuré du mot cash se répand précisément depuis que l’on paie de moins en moins en monnaie sonnante et trébuchante. Juste ou injuste retour des choses, peu importe. Les faits sont là : la hiérarchie a changé. Il y eut longtemps des boutiques dans lesquelles on n’acceptait pas les chèques. On ne les accepte pas plus aujourd’hui dans lesdites boutiques, mais, paradoxalement, certaines opérations, dès lors qu’elles dépassent une certaine somme, doivent passer par la dématérialisation de la monnaie. Il est par exemple interdit d’acheter une voiture avec des pièces ou des billets — l’argent doit désormais avoir une provenance. Autrement dit, le paiement cash, qui autrefois était une garantie d’honnêteté, est en train de devenir chaque jour un peu plus un acte hors la loi. Faut-il dès lors s’étonner que le mot cash, fort de ce nouveau sens, puisse être employé métaphoriquement ? Ce nouvel emploi arrive tout naturellement pour souligner l’évolution de ses connotations. Pour les intégristes qui protesteraient sous prétexte qu’une métaphore est une fioriture parfaitement inutile — en tout cas dans une phrase aussi prosaïque que celle que l’on a citée —, un coup d’œil sur l'Essai sur l’origine des langues de Jay-Jay s’impose. Rousseau établit en effet de façon suffisamment claire que chacun des mots que nous employons n’est à l’origine qu’une métaphore, ou plus exactement une catachrèse, puisque, comme l’a expliqué après lui Bergson, l’esprit est remonté de la main à la tête.
           
Ce que défendent ce Crétin et ses multiples frères n'est pas sans rappeler le Charles X décrit par Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe. Le cadavre d’un monarque qui ne tient encore debout que parce qu’on l’a enfermé dans une armure.

Frédéric Albert Lévy
Le salon Litéraire




mercredi 17 juillet 2013

Rimbobo


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.






dimanche 14 juillet 2013

vendredi 12 juillet 2013

jeudi 4 juillet 2013

mercredi 3 juillet 2013