jeudi 24 février 2011

Serge & Julien

Le titre, "Un homme de passage", fait référence à la nature éphémère de nos existences, mais aussi à votre condition d'homme éparpillé, toujours de passage entre la France et les États unis, entre deux femmes... 

Tout a toujours été divisé pour moi. Bénéficiant d'un système d'alternance dans mon université, je passais un an à New York et un an à Paris. Ma langue maternelle est le français, mais la langue que j'utilise avec mes deux filles américaines, c'est l'anglais. Ce mouvement perpétuel, c'est ma névrose. Ça va jusqu'à mes deux prénoms : Julien, qui est mon prénom d'état civil, et que j'ai gardé pour l'administration, et Serge, qui est mon autre moi, celui des livres. Mais je suis aussi un homme de passage entre le XIXe siècle et le monde moderne. En lisant les journaux, je découvre un nouveau français qui n'existait pas de mon temps. On n'"augmente" plus, on "booste". Les faux anglicismes pullulent, comme "footing" ou "fooding"... Alors que la langue de ma mère était celle qu'on retrouve dans les dialogues de Zola !

Un homme de passage de Serge Doubrovsky (Grasset, 548 p., 23 euros).

Thomas Mahler
Le Point, le 22 février 2011.

lundi 14 février 2011

" First-name-dropping " de la rue Vaugirard

Pour évoquer Hervé Guibert et Foucault, on aurait pu espérer une langue qui se hisse, un tant soit peu, à la hauteur de ces figures tragiques. Or Ce qu'aimer veut dire est écrit dans un invraisemblable charabia. On passera sur l'exaspérant first-name-dropping ("Sam" pour Beckett, "Alain" pour Robbe-Grillet...), qui ne parvient jamais à s'ériger en procédé littéraire. On oubliera, sous la plume de cet amateur de La Rochefoucauld, les aphorismes creux ("La vie, parfois, mérite réflexion", "Vivre, c'est vivre autrement"...). Mais les interminables récits de ses amours homosexuelles dans le phalanstère de la rue de Vaugirard s'apparentent plus au courrier des lectrices de Jeune et jolie qu'aux Fragments d'un discours amoureux, livre de chevet de l'auteur.  


Mathieu Lindon, Ce qu'aimer veut dire. Éditions POL, 314 p., 18,50 euros

Jérôme Dupuis
L'Express, le 14 janvier 2011.

dimanche 13 février 2011

Tire Ta Langue

Tire ta langue par Antoine Perraud France Culture
le dimanche de 12h à 12h30 Durée moyenne : 30 minutes


Créée au milieu des années 1980 par Olivier Germain-Thomas et Jean-Marie Borzeix, directeur de France Culture, Tire ta langue est sous la responsabilité d'Antoine Perraud de 1991 à 2006. Ce programme explore trois pistes, qui parfois se recoupent.
La défense et l'illustration du français et de la francophonie, mais aussi la découverte d'une langue étrangère (Sommet ou journée de la francophonie. Quelle langue pour la science ? Le français malmené à l'ONU. Comment travaillent les commissions de terminologie ? …) L'évolution du français contemporain, de ses variantes régionales ou corporatistes ; ceux qui s'en saisissent, ceux qui étudient une telle évolution (Les nouvelles formes d'argots.

De la langue populaire au parler populiste. La langue de la Chine et des puces. La langue de l'écologie...) L'analyse d'un auteur ou d'un genre littéraire (La langue de Marivaux, de Guyotat. La langue du canular. La polémique. Les comptines enfantines...).


mercredi 9 février 2011

Noguez au bordel

Dominique Noguez tient que l’homme est « un spermatozoïde qui a mal tourné ». Lui est un universitaire – agrégé de philo et docteur d’Etat – qui a bien tourné.
  
On ne compte plus les découvertes dont on est redevable à l’auteur de la « Sémiologie du parapluie », spécialiste mondial de l’écrivain Raoul Ouffard et du cinéaste Paul Vanderstrick. Dans ses études savantes, il a notamment apporté la preuve qu’Arthur Rimbaud était entré, âgé et catholique, à l’Académie française en 1930 ; que le mouvement dada devait tout à Lénine ; et que le football était né en 1645. Dominique, nique, nique, signe aujourd’hui de nouvelles révélations sur l’histoire de la littérature et sa sexualité. On découvre un Montaigne formé, dans les bordels parisiens, « aux travaux de Vénus ».

On savoure une « Mythologie » inédite de Barthes sur la cassette porno, comme « facteur de paix sociale ». Et on apprend que Bergson, l’exégète du rire, s’était intéressé de très près à l’érotisme. Aussi doué pour récrire le passé que pour prédire l’avenir, Noguez raconte par le menu ce que seront la rentrée littéraire de 2016 et la présidentielle de 2027, annonce la création de nouveaux prix (dont le Non-Proust) et l’invention révolutionnaire du dentier-sonotone. Il offre, en prime, la meilleure définition de l’humour: « Le pacs du plaisir et de la tristesse. » Ce livre est donc un régal.

Dominique Noguez,  Montaigne au bordel, Éditions Maurice Nadeau, 148 p., 20 euros.

Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur n°2412, du 27 janvier 2011.