mardi 20 décembre 2011

Vocabulaire

Vous pensez avoir tout le vocabulaire nécessaire pour parler de sexe? Et on ne parle pas là des mots coquins à utiliser sous la couette... Détrompez-vous! Voici certaines définitions qui pourraient vous servir pour expliquer certaines situations

SEGP : soit le Syndrôme d'excitation génitale permanent, est loin d'être aussi agréable qu'il n'y parait. En gros, les femmes qui en souffrent sont constamment au bord de l'orgame, sans aucune stimulation sexuelle. Pratique au lit, nettement moins en salle de réunion.

Autoérotisme : Le fait de se sentir sexuellement excitante. En fait, c'est un synonyme de masturbation, en plus moderne.

Priapisme : Vous ne vous êtes jamais demandée pourquoi Monsieur est prêt à repartir au combat dès la fin du premier round? Parfois, il s'agit de ça, soit le fait que le pénis reste en érection longtemps après un rapport sexuel. Cette situation est potentiellement dangereuse si elle perdure au-delà de quatre heures. Il faut donc urgemment consulter un médecin.

Anorgasmie: Absence totale d'orgasme, généralement chez la femme, plus rarement chez l'homme. 10% des femmes en souffrent. Mais attention, ça ne veut pas dire pour autant qu'aucun plaisir n'est ressenti au cours de l'acte sexuel. Simplement, la femme ne voit jamais le feu d'artifice.

Erotophobie : Une peur irrationnelle, véritable phobie en fait, de parler de sexe ou d'avoir des relations sexuelles.

Homoromantique : Quand quelqu'un est attiré par les personnes du même sexe de manière romantique mais par les personnes du sexe opposé sexuellement parlant. Une belle confusion!

Karezza
: Une séance de sexe très longue sans qu'aucun orgasme ne soit atteint. C'est un peu comme le sexe tantrique sauf que la méthode Karezza est inspirée de la philosophie bouddhiste tandis que le tantrisme provient de l'hindouisme.


Hyperesthésie
: Un état où vous êtes hyper sensible à certains stimuli. C'est ce que vous ressentez quand vous lisez un texte érotique ou quand vous imaginez Jake Gyllenhall torse nu.


Nadege Mambe, 28 mars 2011.

lundi 3 octobre 2011

« thermobrossage » pour « brushing »

BibliObs. : Cette année, quelles sont les nouveautés ?

M.-H. Drivaud. : La mise à jour de cette années concerne les mots et les sens ajoutés. On a également revu le domaine de la chimie, car nous nous attachons à réviser tous les ans un domaine dans son intégralité. Ces dernières années, c'était l'astronomie, la médecine. Cette année, c'était la chimie car les choses ont bougé : un acide n'est plus défini comme il y a quarante ans.

On a revu aussi tout ce qui concernait les Recommandations officielles de la Commission de terminologie. Il y en a chaque année de nouvelles, mais la Commission de terminologie peut aussi revenir sur des recommandations passées, quand ces dernières n'ont pas eu de succès ou qu'elle trouve une meilleure solution. Cela arrive car elles sont très-très recommandées pour les fonctionnaires, mais après chacun fait comme il veut... Certaines disparaissent donc, comme « thermobrossage » pour « brushing », qui n'avait eu qu'un succès assez limité !

A l'inverse, certaines recommandations fonctionnent très bien. Il arrive  qu'elles ne soient pas plus longues que les originaux, et qu'elles fassent preuve de beaucoup d'humour : « remue-méninges » pour « brainstorming », vient des Recommandations ; « gazole » est couramment employé.
Parfois la recommandation est limitée à un sens  : pour « meeting », par exemple, la recommandation de la remplacer par « réunion » n'est valable que pour le sens sportif. Pour « casting », « audition » est recommandé pour certains sens.

Les commissions se réunissent et prennent tous les anglicismes par thèmes - car les mots concernés sont essentiellement des anglicismes : les transports, l'hôtellerie, l'informatique. Des spécialistes de ces domaines élaborent des définitions et proposent des équivalents pour les franciser. Les listes paraissent ensuite au « Journal officiel ».

Le Nouvel Observateur 1er octobre 2011.

jeudi 3 mars 2011

Dispatcher

Ce qu'il entendait évidemment par « bon
anglais », c'était ce style ampoulé et ronflant


Lawrence Durrell, Esprit de corps, Scènes de la vie diplomatique. Traduit par Jean Rosenthal. Editions NIL, 1994. p.36.



mercredi 2 mars 2011

Quand l'Europe parlait Français

Mercredi 2 mars 2011 à 22h40
ARTE France

Quand l'Europe parlait Français
(France, 2010, 51mn)
Réalisateur: Olivier Horn
Rediffusions :
08.03.2011 à 10:25
13.03.2011 à 05:00
Le rayonnement de la langue française en Europe au siècle des Lumières : de Potsdam à Saint-Pétersbourg, voyage dans un monde qui vivait à l'heure de Voltaire.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le français rayonne dans toute l'Europe. Afin de ressusciter cette époque scintillante et de décrypter les ressorts de cette hégémonie, le réalisateur Olivier Horn et l'historien académicien Marc Fumaroli nous proposent un voyage à travers l'Europe aristocratique, à la rencontre de personnages historiques (Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie...) et des lieux dans lesquels ils ont vécu. Voltaire, le plus célèbre virtuose de sa langue, ayant entretenu par sa conversation et ses innombrables correspondances des relations avec les plus grands de ce monde, est le guide principal de cette évocation érudite.

Marc Fumaroli, Quand l'Europe parlait français.
Editions de Fallois. Collection Le Livre de poche, n° 15418, 2003.


jeudi 24 février 2011

Serge & Julien

Le titre, "Un homme de passage", fait référence à la nature éphémère de nos existences, mais aussi à votre condition d'homme éparpillé, toujours de passage entre la France et les États unis, entre deux femmes... 

Tout a toujours été divisé pour moi. Bénéficiant d'un système d'alternance dans mon université, je passais un an à New York et un an à Paris. Ma langue maternelle est le français, mais la langue que j'utilise avec mes deux filles américaines, c'est l'anglais. Ce mouvement perpétuel, c'est ma névrose. Ça va jusqu'à mes deux prénoms : Julien, qui est mon prénom d'état civil, et que j'ai gardé pour l'administration, et Serge, qui est mon autre moi, celui des livres. Mais je suis aussi un homme de passage entre le XIXe siècle et le monde moderne. En lisant les journaux, je découvre un nouveau français qui n'existait pas de mon temps. On n'"augmente" plus, on "booste". Les faux anglicismes pullulent, comme "footing" ou "fooding"... Alors que la langue de ma mère était celle qu'on retrouve dans les dialogues de Zola !

Un homme de passage de Serge Doubrovsky (Grasset, 548 p., 23 euros).

Thomas Mahler
Le Point, le 22 février 2011.

lundi 14 février 2011

" First-name-dropping " de la rue Vaugirard

Pour évoquer Hervé Guibert et Foucault, on aurait pu espérer une langue qui se hisse, un tant soit peu, à la hauteur de ces figures tragiques. Or Ce qu'aimer veut dire est écrit dans un invraisemblable charabia. On passera sur l'exaspérant first-name-dropping ("Sam" pour Beckett, "Alain" pour Robbe-Grillet...), qui ne parvient jamais à s'ériger en procédé littéraire. On oubliera, sous la plume de cet amateur de La Rochefoucauld, les aphorismes creux ("La vie, parfois, mérite réflexion", "Vivre, c'est vivre autrement"...). Mais les interminables récits de ses amours homosexuelles dans le phalanstère de la rue de Vaugirard s'apparentent plus au courrier des lectrices de Jeune et jolie qu'aux Fragments d'un discours amoureux, livre de chevet de l'auteur.  


Mathieu Lindon, Ce qu'aimer veut dire. Éditions POL, 314 p., 18,50 euros

Jérôme Dupuis
L'Express, le 14 janvier 2011.

dimanche 13 février 2011

Tire Ta Langue

Tire ta langue par Antoine Perraud France Culture
le dimanche de 12h à 12h30 Durée moyenne : 30 minutes


Créée au milieu des années 1980 par Olivier Germain-Thomas et Jean-Marie Borzeix, directeur de France Culture, Tire ta langue est sous la responsabilité d'Antoine Perraud de 1991 à 2006. Ce programme explore trois pistes, qui parfois se recoupent.
La défense et l'illustration du français et de la francophonie, mais aussi la découverte d'une langue étrangère (Sommet ou journée de la francophonie. Quelle langue pour la science ? Le français malmené à l'ONU. Comment travaillent les commissions de terminologie ? …) L'évolution du français contemporain, de ses variantes régionales ou corporatistes ; ceux qui s'en saisissent, ceux qui étudient une telle évolution (Les nouvelles formes d'argots.

De la langue populaire au parler populiste. La langue de la Chine et des puces. La langue de l'écologie...) L'analyse d'un auteur ou d'un genre littéraire (La langue de Marivaux, de Guyotat. La langue du canular. La polémique. Les comptines enfantines...).


mercredi 9 février 2011

Noguez au bordel

Dominique Noguez tient que l’homme est « un spermatozoïde qui a mal tourné ». Lui est un universitaire – agrégé de philo et docteur d’Etat – qui a bien tourné.
  
On ne compte plus les découvertes dont on est redevable à l’auteur de la « Sémiologie du parapluie », spécialiste mondial de l’écrivain Raoul Ouffard et du cinéaste Paul Vanderstrick. Dans ses études savantes, il a notamment apporté la preuve qu’Arthur Rimbaud était entré, âgé et catholique, à l’Académie française en 1930 ; que le mouvement dada devait tout à Lénine ; et que le football était né en 1645. Dominique, nique, nique, signe aujourd’hui de nouvelles révélations sur l’histoire de la littérature et sa sexualité. On découvre un Montaigne formé, dans les bordels parisiens, « aux travaux de Vénus ».

On savoure une « Mythologie » inédite de Barthes sur la cassette porno, comme « facteur de paix sociale ». Et on apprend que Bergson, l’exégète du rire, s’était intéressé de très près à l’érotisme. Aussi doué pour récrire le passé que pour prédire l’avenir, Noguez raconte par le menu ce que seront la rentrée littéraire de 2016 et la présidentielle de 2027, annonce la création de nouveaux prix (dont le Non-Proust) et l’invention révolutionnaire du dentier-sonotone. Il offre, en prime, la meilleure définition de l’humour: « Le pacs du plaisir et de la tristesse. » Ce livre est donc un régal.

Dominique Noguez,  Montaigne au bordel, Éditions Maurice Nadeau, 148 p., 20 euros.

Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur n°2412, du 27 janvier 2011.



lundi 31 janvier 2011

« Maladies auditivement transmissibles »


Lire la presse chaque jour, surtout à l'époque où il avait la charge de sa revue matinale sur France Inter, a permis à Frédéric Pommier d'intégrer les travers de l'écriture journalistique. Pire, il en a compris les règles et les usages, jusqu'à se sentir obligé d'en rire et de la prendre à revers.

Dans une chronique qu'il tient chaque semaine dans l'émission de Pascale Clark Comme on nous parle (en plus de son autre chronique, "Pop Corner", dans l'émission de Philippe Colin, 5-7 Boulevard), le journaliste espiègle se livre à un exercice jouissif de déconstruction du jargon médiatique. Il lui suffit de lire les journaux, d'écouter la télé et la radio pour qu'une idée s'impose facilement d'elle-même : les tics de langage et les formules passe-partout saturent l'espace médiatique, et par ricochet notre propre espace mental.

Le langage a quelque chose d'un pouvoir nocif, quasi "totalitaire", qui s'impose à nous, nous étreint et nous piège sans qu'on trouve les ressources pour échapper à son joug. Du coup, comme dit souvent Pommier, lui-même victime de cette loi commune, nous parlons tous à peu près de la même manière, dans une forme de mimétisme inquiétant. Au point, par moments, de se crisper en entendant à tout bout de champ « c'est que du bonheur », déjà brillamment analysé par l'anthropologue Eric Chauvier dans un essai paru chez Allia (Que du bonheur), ou encore « j'adore », « c'est du grand n'importe quoi », « improbable », « surréaliste », « hallucinant »... Qui n'a pas entendu « Aznavour, j'adore, mais Dick Rivers, c'est juste pas possible » ? C'est juste pas possible, en effet.

C'est ce que Frédéric Pommier appelle dans l'introduction du recueil de ses chroniques, des « maladies auditivement transmissibles » (MAT) : un poison qui circule dans les médias, réceptacle principal de notre langue appauvrie par le conformisme de ses mots choisis.
« Si nos mots en toc et nos formules en tic se répandent si facilement, c'est bien sûr grâce aux médias et particulièrement à la télévision qui brasse et qui diffuse les différents niveaux de langue et toutes les petites maladies du parler d'aujourd'hui. »

 Son recueil ressemble à une petite et légère anthologie des mots et des expressions à éviter autant que possible, jusqu'à ce que les prochains et encore secrets surgissent immanquablement : la machine sociale à fabriquer du conformisme linguistique ne s'arrête jamais. « Monter au créneau »,  « revoir sa copie », « reprendre la main »,  « aller au chevet », les « foules d'anonymes », « dans l'entourage », « sous haute surveillance », « jouer à la maison », « le dernier des grands », « revisiter » une oeuvre, la question « faut-il avoir peur ?» (l'une des meilleures chroniques sur la « foulatrouille » des journalistes)... dessinent le paysage plat d'un langage social plus fort que la langue de chacun.
Les journalistes, parce qu'on les entend plus que les autres, jouent malgré eux les porte-voix de cette douce monstruosité qui veut que les mots reflètent la pensée dominante, celle qui habite notre inconscient. Voilà, voilà, c'est clair.

Frédéric Pommier, Mots en toc et formules en tic, petites maladies du parler d'aujourd'hui. Éditions du Seuil, France Inter, 171 pages, 13€.
 
Jean-Marie Durand
Les Inrocks,  3 novembre 2010.


samedi 29 janvier 2011

"Études sçavantes"


Jamais en panne d'inspiration facétieuse, Dominique Noguez donne le recueil de ses interventions en divers lieux de brassage des idées. On appelle ça des colloques, et il nomme "études sçavantes" ses propres interventions relatives, pour la plupart, à l'histoire littéraire.

Ce sont des textes de haute graisse, hérissés de sourires et saucés à la malice qui constitueront, c'est à peu près sûr, pour les générations futurs des marqueurs de notre temps. Témoin la "campagne" des prix littéraires de 2017 où se déploient tous les us d'aujourd'hui en cette matière curieuse. Il faut simplement espérer que les historiens de l'avenir ne prendront pas à la lettre le journal d'un écrivain apprécié de son éditeur généreux, ce dernier personnage restant pure fiction. Pure utopie devrait-on ajouter.

Dans la grande tradition du canular et de l'esprit, voici deux mythologies inédites de Roland Barthes, le manuscrit inédit du IVe Livre des Essays où Montaigne relate sa vie parisienne, le fruit de nouvelles recherches sur Raoul Ouffard, les "Deux Eros" de Bergson, un chapitre apocryphe de Grabinoulor et, surtout, donc, une brillante analyse d'Honoré Deuxdoigts sur les prix littéraires où sont listés les arguments velus des jurés.

On comprend tout, désormais. (De plus on a rit, mais n'allez pas le répéter.)

Dominique Noguez, Montaigne au bordel & autres surprises.Éditions Maurice Nadeau, 147 pages, 20 euros.

Par Le Préfet maritime le vendredi 7 janvier 2011.

lundi 24 janvier 2011

"unable to speak and understand English."

Un chat convoqué pour servir dans un jury

dimanche 23 janvier 2011

« L'anglais (...) dès trois ans », a ajouté Le ministre de l'Education Luc Chatel

Le ministre de l'Education Luc Chatel a déclaré ce midi qu'il entendait "réinventer l'apprentissage de l'anglais" à l'école, proposant que cette langue soit apprise dès trois ans, grâce notamment à l'usage des nouvelles technologies. "D'abord, il nous faut tirer toutes les conséquences de l'apport des nouvelles technologies dans l'enseignement des langues, et donc revoir en profondeur les pratiques pédagogiques", a jugé le ministre. "J'installerai dans les prochains jours un comité stratégique sur l'enseignement des langues, avec des membres de l'Education nationale (...) mais aussi des personnalités extérieures, pour que nous réfléchissions par exemple sur un apprentissage généralisé précoce de l'anglais (...) dès trois ans", a-t-il ajouté.

"Nos expériences ici ou là donnent de bons résultats", souligne le ministre. "On sait que plus on apprend l'anglais jeune, plus on a de facilités dans d'autres langues. Cette mesure n'est pas au détriment des autres langues. Mais l'anglais est une priorité". Luc Chatel se refuse à parler d'embauches supplémentaires de professeur d'anglais et se montre très intéresse par l'enseignement via internet.

Autre "levier" dans cet apprentissage : "la mobilité" dans les collèges et les lycées. Le ministre a souhaité que "dans chaque lycée et chaque collège il y ait une autre lycée, collège partenaire, en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis" pour qu'à 18 ans "tout enfant ait fait au moins une fois dans sa vie un séjour à l'étranger".

Troisième volet : M. Chatel entend que le Cned (enseignement à distance) mette en place un "outil pour permettre un apprentissage à distance de l'anglais".


Le Figaro, AFP
Dimanche 23 janvier 2011


 

mardi 11 janvier 2011

« Une langue venue d’ailleurs »

Ce livre rare s’appelle « Une langue venue d’ailleurs » (Gallimard, 21,50 euros) et il est signé Akira Mizubayashi. C’est l’histoire vraie d’un Japonais qui a divorcé de sa propre langue, trop surchargée d’excuses, et qui est tombé fou amoureux de la nôtre. A 20 ans, il est venu faire ses études à l’université de Montpellier, y a rédigé un mémoire sur Jean-Jacques Rousseau, est reparti pour son pays avant d’intégrer, en 1979, l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm. Aujourd’hui, il enseigne le français à Tokyo et traduit notamment Daniel Pennac. Dans ce fervent et fiévreux récit d’apprentissage, où il rend hommage à ses professeurs d’éloquence – Jacques Proust, Jean Starobinski, Jean-Pierre Richard, Gérard Genette, Roland Barthes, Louis Althusser –, Akira Mizubayashi élève la rhétorique dix-huitiémiste à la hauteur d’un opéra de Mozart et parle du français comme d’une femme, avec une troublante sensualité. D’ailleurs, il a épousé une Française, Michèle, qui lui a donné une fille, Julia-Madoka. A notre langue, Mizubayashi a fait un très bel enfant : ce livre, dont la prose éclatante fera pâlir beaucoup de romans de l’hiver écrits par des Français ingrats ou négligents.

Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur n° 2409, 6-12 janvier 2011.




vendredi 7 janvier 2011

Nicolas Sarkozy, il « parle mal »

« Sarkozy parle aussi mal que Georges Marchais »
Jean Véronis, linguiste, analyse le parler du président de la République :


Nicolas Sarkozy parle mal. En ces temps où le chef de l’Etat veut se « présidentialiser », cela fait tache. Pour bien le souligner, François Loncle, député (PS), s’est amusé à demander au ministre de l’Education nationale pourquoi le Président « malmène la grammaire et la syntaxe ». La réponse de Luc Chatel est savoureuse : certes, le Président ne parle pas comme un « puriste », écrit le ministre, mais c’est pour éviter le « style amphigourique », et rechercher la « proximité » et la « spontanéité ». Pour le linguiste Jean Véronis, auteur des Mots de Nicolas Sarkozy (1), le maire de Chaumont (Haute-Marne) a tout faux.

Le « parler-mal » de Nicolas Sarkozy est-il spécifique ?
Oui et non. Nicolas Sarkozy n’est pas le premier, parmi les personnalités politiques de tout bord, à massacrer le langage. Rappelez-vous Georges Marchais ! Mais, c’est la première fois que cela arrive à un Président dans l’histoire de la Ve République, un régime de tradition monarchique, dont les présidents étaient tous des lettrés. Le général de Gaulle était un grand écrivain, François Mitterrand s’est fait photographier devant une bibliothèque, et même Jacques Chirac était beaucoup plus cultivé qu’il ne le laissait paraître. Avec Nicolas Sarkozy, il y a clairement une rupture.

Quelles fautes fait-il ?
Il fait des fautes typiques du « parler popu », et de ceux qui n’ont pas fait d’études. Il oublie les négations, en disant « je suis pas ». Il fait des erreurs de préposition, quand il dit « je remercie à chacun », ou « je me rappelle de quelque chose ». Il y a aussi un recours au double marquage des pronoms avec des phrases du type : « Le Premier ministre, il a dit…»

Est-ce maîtrisé ?
Je ne pense pas. Dans ses interviews anciennes, le jeune Sarkozy parlait déjà de la même façon. Pour ses discours de campagne électorale, il y a clairement deux hommes. Celui qui lit les discours écrits par Henri Guaino - pour le coup un grand écrivain - et maîtrise la langue, et celui qui improvise, s’adressant directement au public, et retombe dans le « parler popu ». Après, il est malin, et il en joue. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, il a clairement utilisé un registre relâché avec l’objectif de séduire l’électorat ouvrier. On le voit quand il visite une usine. Mais, il ne fait qu’exagérer une tendance naturelle.

Luc Chatel met en avant le caractère «spontané» et «proche» du style Sarkozy. Est-il efficace ?
Contrairement à l’idée reçue, les classes populaires n’aiment pas forcément que les élites utilisent le «parler popu». Elles sont passées par l’école de la République et, dès 10 ans, savent ce qu’est le bon français. Elles le parlent souvent mieux que Sarkozy ! C’est pourquoi le style de Jean-Marie Le Pen, l’un des acteurs politiques qui a le plus de vocabulaire et utilise le mieux la syntaxe, n’a jamais été un obstacle pour être populaire au sein des classes ouvrières.

Comment expliquer alors que Sarkozy parle aussi mal ?
Pour moi, c’est un mystère qu’un homme élevé dans une famille bourgeoise à Neuilly parle aussi mal que Georges Marchais. Surtout qu’il n’existe pas, actuellement, d’autre dirigeant politique qui cumule, comme lui, les erreurs de français. Mais il y a d’autres énigmes. Pourquoi personne ne s’en est rendu compte avant qu’il ne devienne président ? Pendant la campagne de 2007, tout le monde est tombé sur la « bravitude » de Ségolène Royal. J’ai souvenir d’un barbarisme aussi fort. Au micro de France Inter, il avait dit : « Ne me prêtez pas une telle fatitude. » Il voulait dire fatuité.

Que pensez-vous de son utilisation récente de l’imparfait du subjonctif ?
Nicolas Sarkozy est très sensible aux spin doctors qui l’entourent et lui disent de corriger son image. C’est comme avec les lunettes Ray-Ban ou ses tics. Il sait qu’il doit se maîtriser pour gagner l’élection. Mais c’est artificiel. En dehors de certaines personnes âgées, plus personne aujourd’hui n’utilise l’imparfait du subjonctif. D’ailleurs, il y a eu plusieurs occasions au cours de cette interview télévisée où, s’il avait été cohérent, il aurait dû utiliser ce temps inusité. Mais il ne l’a pas fait.

 1 -  Louis-Jean Calvet et Jean Véronis,  Les Mots de Nicolas Sarkozy. Éditions du Seuil, 2008.

Par Nicolas Cori
Libération, 6 janvier 2011.




dimanche 2 janvier 2011

ni, nid, nids, n'y, nie, nies, nient, niveau orthographique


  
Selon Daniel Luzzati, la France a « sacralisé » l'orthographe au point d'en faire un « outil de ségrégation sociale ».
On lui accorde trop d'importance, estime Daniel Luzzati, de l'université du Mans. Il suggère de simplifier l'écriture du français, « cette langue difficile, bourrée d'incohérences », pour mieux se consacrer au sens.

Comment expliquez-vous l'effondrement du niveau orthographique des élèves français ?
Depuis 1990, c'est catastrophique. Il y a plusieurs raisons à cela. La principale : le français est la plus difficile de toutes les langues européennes. Dans les autres, ce qui se dit s'écrit et ce qui s'écrit s'entend. Quand vous pensez qu'en français il y a sept façons d'écrire le son « ni » : ni, nid, nids, n'y, nie, nies, nient. Ce n'est la faute de personne. La langue est bourrée d'incohérences. Apprendre l'orthographe réclame un investissement considérable, en partie en pure perte. Ainsi, combien de dizaines d'heures dans une scolarité sur l'accord du participe passé ? Pour quel résultat ?

D'autres raisons ?
L'abandon du latin. Dans les années 1950, 75 % des élèves apprenaient le latin. Dans les années 1970, ils n'étaient que 35 %. Et seulement 4 % aujourd'hui. Le latin avait une vertu : il faisait apprendre la grammaire.

C'est si grave ?
Il faut prendre conscience de la dimension culturelle surchargée qu'on accorde à l'orthographe. Le vrai problème de l'orthographe, c'est l'importance qu'on y attache. On l'a sacralisée. La dysorthographie est extrêmement pénalisante. Gênante sur le plan pratique et moral. Combien de parents n'osent pas écrire sur le carnet de correspondance de leur enfant pour un simple mal de ventre ? La peur d'être jugés ! Chez nous, la maîtrise de l'orthographe est encore synonyme de pouvoir. C'est un outil de ségrégation sociale.

Cette attention portée à l'orthographe est-elle typiquement française ?
Nous sommes les champions de la dictée. Pourtant, ce n'est pas un exercice d'apprentissage, mais d'évaluation, qui a surtout pour effet d'encenser les bons et d'enfoncer les faibles. On est aussi le pays où se vendent le plus de dictionnaires, de produits anti-fautes aussi inefficaces que les pilules anti-obésité ou les crèmes anti-rides.

Alors que faire ? Simplifier ?
Simplifier oui, de façon raisonnable. Les outils modernes, comme l'informatique, peuvent nous y aider. Il faudrait qu'une communauté s'accorde sur des principes. Par exemple, est-ce que « orthographe » avec deux « h » s'impose ? Comment justifier « haïr » et « trahir » ? Il s'agirait de simplifier pour se consacrer au sens, fondamental, lui.

Recueilli par Laurence Picolo.
Ouest-France 30 décembre 2010.