lundi 23 décembre 2013

"Jeu de Paume" & "Marie-Madeleine de Proust"

ll existe dans la langue des termes qui «font la bête à deux mots». Ils s’accolent et, ciel, cela fait sens. L’écrivain Jean-Luc Fornelli en a rempli un dictionnaire, qu’il faut lire à l’«horizontale», plein de mots-valises et de paronymes délicieux : «zizigouiller», «fuziziller», «narzizisme» ou «nénécessité»… L’occasion de s’interroger sur la signification profonde de ces télescopages.
Les paronymes sont des mots qui ont à peu près la même prononciation et peuvent faire l'objet de rapprochements ludiques comme "embrasser" et "embraser", "s'enlacer" et "se lasser", ou bien "amen" et "hymen". Suivant le phénomène d’attraction paronymique (également appelé paronomase), il y a des mots qui ne cessent d’en évoquer d’autres et lorsqu’on les prononce (ou qu’on les écrit avec des fautes d’orthographe volontaires) cela donne l’impression que ces mots étaient destinés l’un à l’autre. Un sens secret relie ainsi "l’amour" à "la mort", "être ange" à "étrange" ou "baisers" à "bizarres". Il suffit d’un glissement de son pour que des objets appartenant à des domaines très éloignés de la réalité entrent en conjonction, bouleversant notre vision du monde : il y a donc du "génie" dans le "génital" ? La paronomase, -comme les rêves, les collages ou les cadavre exquis-, distord le réel, bouleverse nos catégories habituelles de pensée et ouvre notre esprit aux vérités profondes.

L’effet paronymique a tout d’un étreinte amoureuse, à la fois grotesque et féérique. Il s’agit d’échanger des voyelles comme on s’échangerait des fluides afin de créer des contrepétries par exemple : «Martyr, c’est pourrir un peu» (Prévert, jouant sur l’échange des consonnes P et M). La paronomase peut aussi prendre la forme de calembours, d’allitérations, d’anagrammes ou -plus spectaculaires- de mots-valise. Les mots-valise sont des néologismes formés par la fusion d’au moins deux mots qui sont coupés puis collés. Pour le dire plus clairement : prenez deux mots, mettez-les ensemble et vous aurez un bébé mot. Notre langue est pleine de ces rejetons nés d’associations hasardeuses. "Adulescent" (adulte-adolescent), "alicament" (aliment-médicament), "bobo" (bourgeois-bohême), "tapuscrit" (taper-manuscrit), "pourriel" (poubelle-courriel) sont désormais entrés dans la langue, tout comme ce mot "foultitude" inventé par Victor Hugo (foule-multitude) ou "craquotte" (craquant-biscotte), lancé par un génie du marketing.
(...)
Dans le conte initiatique de Lewis Carrol, pour pouvoir devenir adulte, il faut passer par cette prise de conscience que les mots eux aussi s’accouplent. Le désir traverse tout, y compris la langue, qui ne demande qu'à être prise et retournée. Dans son Nouveau Dictionnaire horizontal, Jean-Luc Fornelli organise alphabétiquement ces figures de kama-sutra sémantiques, ces crash-testicules sonores qui -ouvrant de nouvelles possibilités- nous font comprendre que les choses pourraient être différentes. 

Épinouir : (syn : bien-baiser) rendre quelqu'un heureux avec sa pine.
Consentant : vagin à l'odeur peu affriolante.
Fuziziller : tirer un ou plusieurs coups.
Homoplate: lesbienne dépourvue de poitrine.
Hôtel de passes : lupanar dévolu aux footreballeurs.
Impasse: rencontre qui ne mène à rien entre une prostituée et son client.
Inopiner: baiser par surprise.
Jeu de Paume: autre nom de la branlette.
Marie-Madeleine de Proust : fille de joie qui irradie le souvenir.
Narzizisme: amour excessif de son pénis.
Nénécessité: irrépressible envie de toucher un ou des seins.
Subitte: verge que l'on n'a pas vu venir.
Zizigouiller: tuer à coup de trique.




Jean-Luc Fornelli, Dictionnaire horizontal, Éditions Humus.
Agnès Giard, Libération 18/12/2013.



vendredi 22 novembre 2013

Maux de l'année


Le « selfie », cet autoportrait photographique souvent réalisé avec un smartphone puis mis en ligne sur les réseaux sociaux, a été choisi comme le mot de l'année 2013 par les Dictionnaires d'Oxford, ouvrages de référence en langue anglaise, aussi bien dans leur édition américaine que britannique.
le « selfie » a été préféré notamment à « twerk », danse suggestive rendue célèbre par la chanteuse américaine Miley Cyrus, à « binge-watch », visionnage-marathon de programmes télévisés, ou la monnaie numérique bitcoin, 
Les « Oxford Dictionaries » utilisent un outil de recherche capable d'analyser près de 150 millions de mots anglais utilisés sur internet chaque mois. Ils ont trouvé que l'usage du terme «selfie» avait augmenté de 17.000% sur les 12 derniers mois. La première apparition connue de ce mot remonterait à 2002, sur un forum de discussions en ligne australien.
Le Figaro,19 novembre 2013.


jeudi 21 novembre 2013

Çaisfran !

"Genre tu kiffes le çaisfran ! Du coup tu taffes grave." Traduction : "C'est parce que tu aimes le français que tu travailles autant." Si seulement ! Le français a bien changé depuis la Gaule romaine. Entre le verlan, les anglicismes, les défauts de prononciation et les produits de l'imagination purs, les jeunes, les djeun's d'aujourd'hui partagent un vocabulaire encore étranger à leurs aînés. Tandis que la grammaire se sclérose, les adultes se décomposent. Encourageante évolution ou dégradation affligeante ? Le Point.fr a relevé quelques-unes des expressions phares de la jeunesse actuelle.

Avoir le seum : Autrefois, on disait avoir les boules. De nos jours, on a le "seum", à savoir un coup dur, de blues, de déprime. C'est pas la joie, quoi ! Une expression qui traduit parfaitement le désarroi de ceux qui ne la comprennent pas.

Avoir le swag ou du swag : Dans son acception la plus limitée, le swag signifie le style, "la classe". Toutefois, la connotation vestimentaire découle d'une véritable mentalité. En anglais, to swag, c'est se mettre en avant, frimer. Quelqu'un qui a le swag ou qui est swag, c'est donc quelqu'un qui a de l'allure et qui aime le montrer. "Un espèce" (sic) de frimeur, en somme.
Frais / fraîcheur : Généralement quand on entend "Ce débardeur est très frais", dans un magasin, on pense tout de suite à un motif délicat, coloré et floral ; alors que l'on devrait se dire "Waouh ! il est trop top, ce petit top !" C'est frais, c'est cool, c'est "stylé". Quelqu'un de frais, en revanche, c'est quelqu'un de sympa. Et, par extension, une fraîcheur incarne l'archétype de la jeune fille à la mode et fière de l'être. Son ego est tel qu'elle se prend pour une star dont elle singe les poses, les moues. Dans la bouche d'un garçon, il s'agit de son idéal féminin... sans simplicité, contrairement à ce que recherche le héros des Demoiselles de Rochefort. À chaque époque ses critères !

Il ou elle fait crari : On pourrait le dire d'une fraîcheur qui fait tout pour se donner un genre. Plus concrètement, faire crari, c'est faire semblant, "s'la péter", crâner.

Bolos, boloss ou bolosse : Une étiquette qui s'adresse à tous les losers, ringards, bouffons, coincés de service. Phénomène promu par le film de Ben Palmer, les "Boloss" se définissent par ce qu'ils ne sont pas, à savoir branchés, extravertis, séduisants. Initialement, leur exclusion tient à leur style souvent négligé, mais le lexique djeun's évoluant comme n'importe quelle autre langue, le terme a progressivement revêtu une connotation plus ou moins positive. Dans certains quartiers huppés de Paris, les bolosses sont tout simplement les têtes de classe, ni associables, ni frimeurs, seulement intelligents. Comme quoi un mot peut vouloir dire tout et son contraire !

"'Tain tu vas douiller" : De même que boloss, "douiller" a connu une évolution sinon logique, du moins intéressante. À l'origine, le terme dénote une dépense risquée, un achat douloureux. "Ouille, ouille, ouille ! Ça douille !", c'est cher ; ou bien "Il va douiller", c'est-à-dire il va casquer. Toutefois, les notions de souffrance et d'argent ont fini par fusionner, si bien que "Tu vas prendre cher" et "Tu vas douiller" sont devenus synonymes de souffrir, peiner, ramer.

Fais belek ou bellek : Emprunt à l'arabe - registre familier - : fais gaffe, fais attention !
S'enjailler : Ce serait faire fausse route que s'en référer directement au français. Même si le sens en est proche, s'enjailler ne vient pas de s'encanailler, mais de "enjoy" : apprécier, profiter, en anglais. Prononcé "à l'africaine", il trahit ses origines. Néologisme nouchi, argot français pratiqué en Côte d'Ivoire, on le retrouve dans "Dingue de toi", le "tube" qu'a dédié Sofiane à sa tendre Nabilla. Par "Pourvu qu'on s'enjaille", il faut entendre pourvu qu'on s'mette bien, qu'on s'amuse, qu'on s'fasse soit plaiz.

Bail(s) ou bayes : Et le chanteur de poursuivre "(pourvu) qu'on se fasse un bail...". Jusqu'à présent, "ça fait un bail" signifiait en français familier "ça fait longtemps", sous-entendu, "que l'on ne s'est pas vus" ! Désormais, le terme possède deux significations. Synonyme de choses, au sens large, il peut se traduire à la fois par affaires, nouvelles, soit par attouchements, préliminaires. Aussi "C'est quoi les bails ?" se traduit tantôt par "Comment ça va ?", "Quoi de neuf ?", tantôt par "Quels sont les potins ?", "Ils ont fait quoi ensemble ?". Réponse : des trucs. Voilà ce que Sofiane voulait : que Nabilla le chauffe !

Zder : Comment s'enjaille la jeunesse d'aujourd'hui ? En fumant. Et en fumant quoi ? Des zders. Eh oui, c'est ainsi que l'on appelle les joints. Il faut bien vivre avec son temps, même si, pour cela, on doit parfois se pourrir la santé.

Faya : Dans la lignée du vocabulaire de camés, être faya, c'est être foncedé, planer. Un état qui séduit de plus en plus d'ados en France, où le pourcentage de fumeurs de 15-16 ans est passé de 30 % à 38 %, entre 2007 et 2011.

"J'lui ai bicrave" : Le voici, le voilà, le summum de l'impropriété : "j'lui ai bicrave", c'est-à-dire je lui ai vendu de la drogue. Verbe invariable "bicrave" n'appartient ni au premier, au deuxième, ni au troisième groupe de la conjugaison française. Mais où est donc le participe passé ? Ça se dégrade grave, comme on dit.


Voilà les tics de langage, ces "bête d'" expressions qui font "tripper" les jeunes. Ces "djeuns" qui, "javoueee", "se tapent des barres" en pensant à leurs vieux, "vénères" de comprendre "ke dalle" à ce que "contera" leurs enfants [verlan de raconter à ne pas confondre avec le futur simple de conter, NDLR]. Rien qu'en comptant les guillemets, on se rend compte de l'ampleur du phénomène.

Sarah Belmont
Le Point, 22 avril 2013.



vendredi 13 septembre 2013

" French books in America ? "


C'est en France que l'université new-yorkaise Columbia vient célébrer la littérature mondiale, apportant dans ses bagages une trentaine d'écrivains venus d'un peu partout. A juste titre, puisque le marché éditorial français est très ouvert à la littérature étrangère, en particulier anglo-saxonne : un roman sur trois est une traduction, et les trois quarts des romans traduits le sont de l'anglais. Columbia rapportera-t-elle à New York une malle pleine de romans français à faire découvrir aux lecteurs américains ?

Cela n'est pas certain. Les Etats-Unis constituent, pour la littérature en traduction, ce que la sociologue Gisèle Sapiro nomme "un environnement hostile". Le chapitre qu'elle lui consacre, dans Traduire la littérature et les sciences humaines. Conditions et obstacles (DEPS, 2012), détaille les barrières culturelles et structurelles qui en font une citadelle apparemment imprenable. "Les traductions, écrit-elle, ont connu une marginalisation croissante sur ce marché depuis les années 1970." Elles ne représentent en effet que 2 % à 4 % de la production annuelle, et 1 % seulement de la fiction ! Sur ce segment très étroit, le français reste néanmoins la première langue traduite, juste devant l'allemand.


Pour l'éditeur Olivier Cohen, fondateur des éditions de L'Olivier, les textes étrangers se heurtent, aux Etats-Unis, à un "mur d'indifférence". Formule que ne démentirait sans doute pas Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de ...


 Le Monde des Livres n°21353, 
vendredi 13 septembre 2013.






mardi 23 juillet 2013

Mots qui n'existent pas



Comme Gilles Vervisch est philosophe, taquinons-le un peu.  Un dictionnaire n'a-t-il pas pour fonction de figer le sens des mots après qu'ils aient été utilisés dans la langue, de manière assez récurrente pour que quelques doctes lexicographes s'estiment en droit de les faire entrer, puis parfois sortir, de la Langue française telle qu'en son Académie elle se fige ? Les dictionnaires arrivent toujours a posteriori. Or, est-ce le dictionnaire qui fait exister les mots ou bien simplement consacre un usage ? Les mots existent avant d'être figés, et c'est toute l'histoire de la langue française que cette utilisation de mots qui n'existent pas encore dans le sacrement mais sont pourtant bien vivant dans la rue. Bien sûr, l'entreprise du Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilisequand même a une vertu beaucoup plus ludique, mais quand même !

D'ailleurs, à l'occasion de la définition de combientième, les auteurs de ce farfelu Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même se posent la même question : "un mot qui n'existe pas mais qui est référencé dans le dictionnaire des mots qui existent existe-t-il ?A-t-il, par suite, bien sa place dans un dictionnaire des mots qui n'existent pas (et qu'on utilise quand même) ?" vaste débat...

Les mots recueillis ici sont tous très modernes et issus de milieux spécialisés. En effet, quel intérêt de signaler déguilder quand depuis longtemps les geeks adeptes du MMORPG WoW savent très bien ce que cela veut dire et les autres s'en fichent ? De la même manière, pourquoi faire figurer des mots de l'anglais (no-life, topless, think tank) quand on sait la propension de nos contemporains à croire, contre l'idéal de nos cousins québécois, qu'il est préférable de parler un mauvais franglais qu'un bon français ? N'aurait-il pas fallu proposer des entrées avec des mots plus ou moins communs, de manière à ce que tout le monde s'y retrouve ? Et où sont passé le si affreux positiver et autres inventions des publicitaires ? à moins qu'ils y soient déjà et que je me fasse décidément trop vieux...

Ces remarques mises à part, le Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même est vraiment intelligent et drôle, tant par ses entrées que par la qualité des définitions qu'il donne. Dans la veine des dictionnaires "humoristiques et sérieux" qui paraissent depuis quelques années sur la langue, celui-ci n'est pas le moins plaisant.  On se réjouit de voir les "définitions" de Merkifacilitateur, matcher, kikoulol, aujoud'aujourd'hui, etc. Certains surprennent tant ils sont facilement utilisés, commechronophage ou procrastinateur (résumé en faignasse !), d'autres parce qu'on se demandent où ils ont été entendu une seule fois (se berlusconiser, suédé, tartinabilité). Gros coup de cœur pour un mot qui restera je pense en dehors de la sphère footballistique t après le fin de carrière dudit joueur, zlataner ! qui a vu ce joueur une fois imposer sa puissance physique à ses adversaires, au mépris souvent du beau jeu, comprendra.

Au-delà du simple jeu, cette belle assemblée lexicale montre un glissement de la langue influencée par les média, m'anglais, le sport, les jeux vidéos, l'informatique, tout ce qui pourrait en faire sa nouvelle richesse s'il était utilisé pour enrichir plutôt que pour enlaidir la langue. Affaire de goût, mais au moins Olivier Talon et Gilles Vervisch posent, avec ce Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, la question de la place des mots dans la langue.

Loïc Di Stefano
Le salon Littéraire

Olivier Talon et Gilles Vervisch, Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même, Express Roularta, mars 2013, 288 pages, 12,90 eur





lundi 22 juillet 2013

Solard


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.

samedi 20 juillet 2013

La place de l’anglais dans l’université français

Emission Répliques

Répliques
le samedi de 9h07 à 10h

La place de l’anglais dans l’université française

20.07.2013 - 09:07

Invité(s) :Dominique Seux, rédacteur en chef au service France du journal Les EchosEmmanuel Constantin, élevé à Polytechnique




vendredi 19 juillet 2013

jeudi 18 juillet 2013

" Le crétin tel qu'on ..."



 "Le Crétin tel qu’on le parle " est un guide du beau langage qui se réclame de Confucius, mais qui se signale surtout par son extrême confusion.

Pierre ChalminLe crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites, Les Éditions de Paris, Max Chaleil, mai 2013, 9,00€.

"Concédons enfin que nous-même ne somme pas exempt de tout reproche", écrit Pierre Chalmin dans son avant-propos. En lisant cette phrase, on a envie de s’écrier : "Effectivement !" Car si l’on veut bien croire que l’omission du –s final de sommes n’est ici qu’une coquille, cette coquille est fort malencontreuse dans un ouvrage qui prétend dénoncer la dégradation de la langue française dans la bouche et sous la plume de certains de nos illustres contemporains.

Certes, ce lexique intitulé le Crétin tel qu’on le parle ou le jargon des élites arrive après bien d’autres du même type, mais, justement, il ne fait que reproduire les défauts de tous ses prédécesseurs sans en corriger aucun. Et sans se rendre compte que, très vite, et comme les autres, il en arrive à nuire à la cause qu’il entend défendre. Car, passé le premier sourire, le lecteur de bonne foi ne peut réprimer un sentiment de lassitude, puis un sentiment d’agacement.
           
Bien sûr — pourquoi le nier ? —, certains articles sont d’une pertinence extrême et ne sauraient que réjouir le cœur des vrais amoureux de la langue. Il n’est pas mauvais de rappeler que ce que certains journaux comme le Figaro s’obstinent à appeler "une longue maladie" se nomme en bon français cancer ou que les adjectifs adapté ou spécifique feraient souvent mieux l’affaire que ce dédié qu’on met désormais à toutes les sauces. Il n’est pas mauvais de moquer tous ces "Voilà !" qui prétendent résumer une pensée quand aucune véritable pensée n’a été exprimée.
           
Mais la rigueur ne saurait se permettre la moindre approximation si elle veut être convaincante, et, malheureusement, les quatre-vingts pages de ce Crétin fourmillent d’approximations. Passons sur ses fautes de ponctuation (dès les premières lignes) et sur le fait qu’il présente souvent comme fautes d’aujourd’hui des fautes qui sont des fautes de jadis, ou tout au moins de naguère : l’auteur lui-même reconnaît la chose en mettant en exergue une citation empruntée à Confucius ("Si j’avais le pouvoir, je commencerais par redonner leur sens aux mots"). Mais nettement plus choquante est l’hétérogénéité des définitions proposées pour chaque mot, dans la mesure où, dans certains cas, ces définitions ne sont pas des définitions, mais de simples commentaires ironiques. Pire encore, les synonymes proposés ne sont pas toujours des synonymes : mettre en lumière ne signifie pasattirer l’attention, mais attirer l’attention sur. Tout élève de cinquième est censé savoir que définir un mot, c’est proposer pour ce mot un parfait équivalent, mais Pierre Chalmin n’a cure de ce genre de "détail".
           
La faute la plus grave touche à l’esprit même de l’ouvrage. Ici encore s’exprime tacitement l’idée, ou plus exactement la croyance selon laquelle un dictionnaire ou un lexique aurait pour mission de reproduire une chose fixée pour l’éternité, dotée d’une vérité ontologique, et qui s’appellerait le langage. Ne pas comprendre qu’un outil — car le langage est un outil — peut et doit évoluer autant que ce qu’il entend façonner (ou simplement décrire), c’est refuser de voir que la langue ne saurait être dissociée de l’Histoire et qu’il existe une dynamique de la vérité, ne serait-ce que parce que, bien souvent, une vérité est une erreur qui a fini par s’imposer, pour des raisons qui, par la force des choses, ne pouvaient toutes être mauvaises et qui ne relevaient pas simplement de l’analogie (mais si, vous savez bien, cette maladie qui fait dire "en moto" au lieu de "à moto", parce qu’on dit "en train " ou "en bateau", le train et le bateau étant de véritables "contenants").
           
Nous prendrons un seul exemple, celui de l’article Cash. "Cash : Franc. En toute franchise. 'Vous pouvez parler cash, vous n’êtes pas enregistré.' " Nous choisissons cet exemple parce que nous aussi, nous sursautons en entendant un pareil emploi. Mais on n’explique rien en sursautant, et l’on ne corrigera pas une faute si l’on n’en cherche d’abord l’origine, sinon la cause. Il n’est pas inintéressant de constater que cet emploi figuré du mot cash se répand précisément depuis que l’on paie de moins en moins en monnaie sonnante et trébuchante. Juste ou injuste retour des choses, peu importe. Les faits sont là : la hiérarchie a changé. Il y eut longtemps des boutiques dans lesquelles on n’acceptait pas les chèques. On ne les accepte pas plus aujourd’hui dans lesdites boutiques, mais, paradoxalement, certaines opérations, dès lors qu’elles dépassent une certaine somme, doivent passer par la dématérialisation de la monnaie. Il est par exemple interdit d’acheter une voiture avec des pièces ou des billets — l’argent doit désormais avoir une provenance. Autrement dit, le paiement cash, qui autrefois était une garantie d’honnêteté, est en train de devenir chaque jour un peu plus un acte hors la loi. Faut-il dès lors s’étonner que le mot cash, fort de ce nouveau sens, puisse être employé métaphoriquement ? Ce nouvel emploi arrive tout naturellement pour souligner l’évolution de ses connotations. Pour les intégristes qui protesteraient sous prétexte qu’une métaphore est une fioriture parfaitement inutile — en tout cas dans une phrase aussi prosaïque que celle que l’on a citée —, un coup d’œil sur l'Essai sur l’origine des langues de Jay-Jay s’impose. Rousseau établit en effet de façon suffisamment claire que chacun des mots que nous employons n’est à l’origine qu’une métaphore, ou plus exactement une catachrèse, puisque, comme l’a expliqué après lui Bergson, l’esprit est remonté de la main à la tête.
           
Ce que défendent ce Crétin et ses multiples frères n'est pas sans rappeler le Charles X décrit par Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe. Le cadavre d’un monarque qui ne tient encore debout que parce qu’on l’a enfermé dans une armure.

Frédéric Albert Lévy
Le salon Litéraire




mercredi 17 juillet 2013

Rimbobo


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.






dimanche 14 juillet 2013

vendredi 12 juillet 2013

jeudi 4 juillet 2013

mercredi 3 juillet 2013

jeudi 20 juin 2013

"La Danse des Mots"

Les mises en scène du langage. Le français sur Internet, l’évolution de l’orthographe, le Camfranglais qu’on parle au Cameroun, et même ailleurs, l’explosion de la littérature francophone tout autour du monde.S’interroger sur la langue n’est pas seulement une curiosité aiguë : c’est un révélateur du monde où nous vivons.
Une émission présentée par Yvan Amar.

mercredi 19 juin 2013

« ya dra » & « avoir le seum »


«Le petit livre de la tchatche» ou la nouvelle vie des mots en France »

«Le petit livre de la tchatche», décodeur de l'argot des cités, de Vincent Mongaillard. (First Editions)
Par Claire Arsenault
RFI, 18 mai 2013.

Qu’on les trouve bizarres ou hermétiques, ils sont là et bien là. Les mots de la banlieue et des cités ont été amoureusement cueillis par Vincent Mongaillard et décodés pour les néophytes que nous sommes. Avec Le petit livre de la tchatche, plus de mystère. Le sel des expressions venues du bled, le nouchi (argot de rue ivoirien), l’argot des arsouilles parisiens nous sont dévoilés. De quoi faire crari en somme, ou si on préfère, se donner un genre.


C’est un décodeur de l’argot des cités. Le genre de petit bouquin à avoir dans la poche pour saisir au vol les mots de ceux qui ont la tchatche, du bagou. Adeptes de la « branchitude », les jeunes de banlieue se montrent avant tout créatifs et souvent poètes. Leur langue, popularisée par le rap notamment, prend des courbes et des couleurs là où la rectitude ne suffit plus. La ligne droite ne convient pas toujours aux poètes…

samedi 8 juin 2013

Zinzolin


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.



vendredi 7 juin 2013

Aye-Aye


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.




jeudi 6 juin 2013

Abacule


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.




mercredi 5 juin 2013

Reliance

Qu’il me soit permis de réhabiliter donc  ce mot,  RELIANCE, dans le va-et-vient entre le vieux français, le français et l’anglais . RELIANCE : relier, rassembler, joindre, mettre ensemble ; mais aussi adhérer à, appartenir à, dépendre de ; et par conséquent : faire confiance à, se confier en sécurité, faire reposer ses pensées et ses sentiments, se rassembler, s’appartenir.  Après avoir mis en valeur, avec Winnicott, la séparation et la transitionnalité, il me paraît important d’insister  aujourd’hui sur ce versant du maternel qui MAINTIENT  l’investissement et le contre-investissement de la libido et de  Thanatos lui-même dans des liens psychosomatiques de plus en plus étendus, à recréer. Cet érotisme spécifique  qui maintient l’urgence de la vie jusqu’aux limites de la vie, je l’appelle  une reliance.

Julia Kristeva, 28.5.2011
Congrès des psychanalystes de langue française, 5 juin 2011.


mercredi 29 mai 2013

Caracul


Albert Algoud & José Garcia,
Le jeu du dictionnaire.
Editions Albin Michel & Canal+ Editions, 1998.




lundi 27 mai 2013