mardi 11 janvier 2011

« Une langue venue d’ailleurs »

Ce livre rare s’appelle « Une langue venue d’ailleurs » (Gallimard, 21,50 euros) et il est signé Akira Mizubayashi. C’est l’histoire vraie d’un Japonais qui a divorcé de sa propre langue, trop surchargée d’excuses, et qui est tombé fou amoureux de la nôtre. A 20 ans, il est venu faire ses études à l’université de Montpellier, y a rédigé un mémoire sur Jean-Jacques Rousseau, est reparti pour son pays avant d’intégrer, en 1979, l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm. Aujourd’hui, il enseigne le français à Tokyo et traduit notamment Daniel Pennac. Dans ce fervent et fiévreux récit d’apprentissage, où il rend hommage à ses professeurs d’éloquence – Jacques Proust, Jean Starobinski, Jean-Pierre Richard, Gérard Genette, Roland Barthes, Louis Althusser –, Akira Mizubayashi élève la rhétorique dix-huitiémiste à la hauteur d’un opéra de Mozart et parle du français comme d’une femme, avec une troublante sensualité. D’ailleurs, il a épousé une Française, Michèle, qui lui a donné une fille, Julia-Madoka. A notre langue, Mizubayashi a fait un très bel enfant : ce livre, dont la prose éclatante fera pâlir beaucoup de romans de l’hiver écrits par des Français ingrats ou négligents.

Jérôme Garcin
Le Nouvel Observateur n° 2409, 6-12 janvier 2011.




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