Ce serait un beau titre de livre sur notre destin depuis quarante ans. (Dominique Noguez, 1983)
dimanche 8 juin 2025
dimanche 1 juin 2025
Barbare
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I.− Étranger, soit par sa race, soit par son appartenance
à une autre civilisation :
1.
On n'a jamais appelé Socrate barbare. Il était impossible d'appeler
ainsi un grec (...). Je trouve d'ailleurs que dans ce passage vous jouez un peu
sur les mots. Dans notre langue, barbare a deux sens
principaux : sauvage, non cultivé et cruel. Un
peuple très barbare peut être fort doux et un
peuple très civilisé très barbare. Mérimée, Lettres
à Viollet-le-Duc,1870, p. 31.
A.− Adj. [P.
rapp. aux Grecs, aux Romains et ensuite à toutes sortes de peuples] Qui est étranger à telle race, à tel pays parce qu'il
n'en parle pas la langue ou qu'il vit en dehors de sa civilisation :
2.
Travaillé aux extraits. Achevé celui d'Euripide. Extrait le Prométhée d'Eschyle.
Cette pièce est évidemment d'origine barbare, c'est-à-dire étrangère à
la Grèce, et a un sens allégorique. Constant, Journaux intimes,1804,
p. 109.
SYNT. Être de race, de sang barbare; cavalerie, chef,
princesse, roi barbare; art, chapiteau, chariot, festin, luxe, musique barbare;
idiome, religion barbare; bracelets, monnaies barbares; coutumes, lois
barbares; époques, invasions barbares.
− Emploi
subst. Les barbares ibères,
gaulois, mongols; les barbares du Nord :
3.
Il y a un sentiment, un fait qu'il faut avant tout bien comprendre pour se
représenter avec vérité ce qu'était un barbare : c'est le
plaisir de l'indépendance individuelle, le plaisir de se jouer, avec sa force
et sa liberté, au milieu des chances du monde et de la vie; les joies de
l'activité sans travail; le goût d'une destinée aventureuse, pleine d'imprévu,
d'inégalité, de péril. Guizot, Hist. gén. de la civilisation en
Europe,1828, p. 33.
B.− (Cf. aussi infra II
B).Primitif, mal dégrossi :
4.
Les Libyens et les nomades qui composaient l'armée d'Autharite connaissaient à
peine ces mercenaires, hommes de race italiote ou grecque; et
puisque la république leur offrait tant de barbares contre si peu
de Carthaginois, c'est que les uns étaient de nulle valeur et
que les autres en avaient une considérable. Flaubert, Salammbô,t.
2, 1863, p. 2.
− P. métaph. :
5.
... Shakespeare est un barbare; mais c'est un barbare de
génie. Son fatras abonde en traits sublimes : toute passion s'exalte
sous sa plume; ... Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t.
5, 1814, p. 270.
6.
[Van Bergen] avait dans l'esprit quelque chose de primitif et
de violent. (...). Il était resté barbare, brutal, et fougueux. Il
avait le goût, la passion des couleurs sanglantes, heurtées, blessantes, des
violences, des vastes scènes. Van der Meersch, L'Empreinte du
dieu,1936, p. 91.
II.− Emplois
fig. et affectifs
A.− Péjoratif
1. (Celui) qui n'est pas encore ou n'est plus civilisé,
qui appartient à un niveau inférieur d'humanité :
7.
Au fond, tout Danois est certain que le Danemark seul existe nécessairement et
que ce qui n'est pas lui pourrait fort bien ne pas exister. Passé la frontière
de cette Chine minuscule, il n'y a plus que des barbares, une humanité
inférieure. Bloy, Journal,1899, p. 302.
− P. iron. [En
parlant des gens du monde] (Celui) qui est
inconscient :
8.
Un des moi, celui qui jadis allait dans ces festins de barbares qu'on
appelle dîners en ville et où (...) les valeurs sont si renversées que
quelqu'un qui ne vient pas dîner après avoir accepté, ou seulement n'arrive
qu'au rôti, commet un acte plus coupable que les actions immorales dont on
parle légèrement pendant ce dîner, (...) ce moi-là en moi avait gardé ses
scrupules et perdu sa mémoire. Proust, Le Temps retrouvé,1922,
p. 1039.
2. (Celui) qui est cruel, sans humanité. Exécution, folie, fureur, torture barbare. Synon. brutal,
criminel, dur, farouche, impitoyable, inflexible, monstrueux, sanguinaire,
sauvage :
9.
− Mais c'est horrible, docteur! M'écorcher vif! Tailler des
lanières dans la peau d'un homme vivant! C'est barbare, c'est moyen
âge, c'est digne de Shylock, le juif de Venise! About, Le Nez d'un
notaire,1862, p. 93.
3. (Celui) qui va à l'encontre du bon usage, des règles
du bon goût, ou des lois de la raison.
a) [En
parlant d'une pers.] (Celui) qui est
ignorant, maladroit :
10.
... les quatre liasses inégales de papier (...) dans lesquelles le public (...)
a bien voulu voir (...) Han d'Islande, avaient été tellement
déshonorées d'incongruités typographiques par un imprimeur barbare,
que le déplorable auteur (...) était (...) livré au supplice d'un père auquel
on rendrait son enfant mutilé... Hugo, Han d'Islande,1823, p.
11.
11.
La surprise d'un barbare (nous appelions ainsi tous les gens
qui ne savaient pas ce qu'avait de particulier le samedi) qui, étant venu à
onze heures pour parler à mon père, nous avait trouvés à table, était une des
choses qui, dans sa vie, avaient le plus égayé Françoise. Proust, Du
côté de chez Swann,1913, p. 111.
b) [En
parlant d'une chose, en partic. d'une œuvre de l'esprit hum.] Art barbare ou gothique,
langue, latin, mot, nom barbare :
12.
Il m'apparaît parfois que ce livre [Le Buisson ardent], barbare, mal
équarri, sans art, sans grâce et de qualités en apparence si peu
françaises, reste ce qui a été produit en France de plus important, ou du moins
de plus typique, par notre génération. Gide, Journal,1917, p.
617.
B.− Laudatif
1. [En
parlant d'une pers., d'un peuple] (Celui)
qui est plein de vigueur, de jeunesse, de force instinctive. Force, naïveté, vitalité barbares :
13.
C'est là [Whitmann] un Américain selon mon cœur, un grand personnage, ignorant,
fou, généreux et inspiré. Son intempérance a quelque
chose de barbare, mais il a aussi le sentiment profond de la
solidarité humaine et un mépris de toute petitesse qui le met au premier rang
(...). Green, Journal,1943, p. 62.
2. [En
parlant de l'expression, de la lang., de l'art ou des techn.]
− Emploi adj. Qui est impressionnant, puissant, d'une beauté
sauvage. Art, goût, expression,
splendeur barbare. Synon. magnifique, somptueux,
superbe :
14.
L'argot pullule de mots de ce genre, mots immédiats, créés de toute pièce on ne
sait où ni par qui, sans étymologies, sans analogies, sans dérivés, mots
solitaires, barbares, quelquefois hideux, qui ont une singulière
puissance d'expression et qui vivent. Hugo, Les Misérables,t.
2, 1862, p. 198.
15.
Mon cheval s'arrêta, le poil tout hérissé, comme au bord d'un abîme. Ce n'était
pas un abîme, mais quelque chose d'extraordinaire, une œuvre de
main d'homme, imprévue, grandiose, barbare :
l'escalier de la route mandarine. Mille, Barnavaux et quelques
femmes,1908, p. 169.
− Emploi subst. (cf. ex.
5).
PRONONC. : [baʀba:ʀ]. Enq.
: /baʀbaʀ/.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1308
subst. masc. plur. « les étrangers à la civilisation » (Ystoire de li
Normant, trad. Aimé, 71 dans Quem. : li Arabi et li Barbare);
1650 « (homme) rude et cruel [d'apr. Rich.] » (D'Ablancourt [César]
dans Rich. 1680 : Arioviste étoit un barbare furieux
et temeraire); 2. 1308 adj. « des étrangers » (Ystoire de
li Normant, trad. Aimé, 2, 26 dans Quem. : lengue barbare);
1580-92 « inculte, non civilisé » (Montaigne, liv. I, ch. XXXI dans Gdf. Compl. :
Or je trouve pour revenir a mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et
de sauvage en cette nation); xviies. ling. « qui choque, qui
est contraire aux règles » (Boileau dans Trév. 1704 : D'un
seul nom quelquefois le son dur, ou bizarre Rend un poème entier ou burlesque
ou barbare). Empr. au lat. barbarus « étranger »
d'apr. l'usage gr., en parlant des Romains (Plaute, Mil., 211
dans TLL s.v., 1735, 63), puis de tous les autres peuples (Plaute, Rud., 583, ibid., 1753,
71); au fig. « rude, inculte, grossier » (Plaute, Bacch., 121, ibid., 1739,
8); en partic. rhét. (Cicéron, Orat., 157, ibid., 1739,
83); le lat. est lui-même empr. au gr. β α ́ ρ ϐ α ρ ο ς « étranger, c.-à-d.
non grec » puis « incorrect, grossier, non civilisé » (Liddell-Scott).
( CNRTL)
